Les terroristes ont gagné !

par Daniel Milev

Écrit le 17 décembre 2015
Publié le 25 décembre 2015



Vendredi, 13 novembre 2015. Un jour comme tout autre pour ceux qui ne sont pas superstitieux. Les cafés et restaurants grouillent de monde, les rues sont animées par le chassé-croisé de gens qui flânent dans tous les sens, comme des enfants qui cherchent à découvrir des bonbons ou des gâteaux à tous les coins. La superstition naît de l'ignorance et de la peur. Seuls ceux qui sont habités par l'amour et la foi peuvent la surmonter et cela semble être depuis fort longtemps acquis dans nos sociétés, majoritairement basées sur la culture chrétienne.

Et c'est justement un Vendredi 13 qu'un groupe de personnes avaient décidé de transformer en une « fête » de l'horreur. Tout porte à croire que les terroristes voulaient démarquer l'existence de leur propre foi et la juxtaposer au manque de foi supposé de leurs victimes et de la société entière qui s'est sentie attachée à eux, et qui, par le fait de leur mise à mort brutale et gratuite, s'est vue directement menacée. Les bourreaux avaient voulu faire renaître la peur et la superstition là où ils pensaient n'exister aucune compassion, du moins à leur propre égard, là où ils ne voyaient ni amour, ni foi, ni avenir pour eux-mêmes. Ce faisant, en vérité, ils ont révélé le vide dans leur propres cœurs, creusé par la haine, la frustration née du sentiment de rejet, de souffrance et du manque total de sens à leurs vies. Car la vrai foi est basée sur le savoir qui ne peut naître que de l'amour absolu. Le suicide moral et physique de ces malheureux dévoile leur ignorance et leur peurs. Ils avaient voulu se pavaner de leur foi, mais ils ont fait éclater au grand jour son absence totale en eux.

Rien ne prédisposait en effet ces pauvres imbéciles à marquer le moindre point de victoire. Proclamant haut et fort d'avoir agi au nom de l' « État Islamique », la plus grosse armée de décérébrés au monde, des mauvais perdants obtus qui ne savent reconnaître leur échec ahurissant, tant du point de vue militaire qu'idéologique, et qui à chaque fois qu'ils essuient la raclée suivante, se tournent vers la stratégie de la réponse asymétrique en tuant des civils innocents à des milliers de kilomètres du champ de bataille, les apprentis terroristes se placent comme des éléments d'élite, la crème des idiots en fait, sensés constituer le fer de lance d'une conquête du monde auquel ils n'ont rien à offrir et leur aventure est réellement merdique, les stars médiatiques d'une nuée de psychopathes bourrés d'explosifs qui cachent maladroitement leur état pathologique derrière une idéologie pseudo-religieuse. Le délire du spectacle minable que ces aficionados de l'islam nous offrent est tellement grotesque que nous découvrons avec d'autant plus grande stupéfaction l'amour et la passion dévorantes que ces terroristes avaient pour l'alcool de leur vivant plutôt que pour la religion. Preuve, s'il en était besoin, que les apprentis terroristes recrutent parmi des gens dont les aptitudes mentales sont fortement altérées par diverses substances et dont l'herbe à fumer ne constitue certainement pas uniquement un moyen de se procurer un peu d'argent...

Qui aurait cru que de tels apôtres de la médiocrité avaient quelque chose à nous enseigner quand même ? Qui aurait supposé que des malades mentaux dangereux et armés étaient aptes à nous dépasser là où nous nous y attendions le moins ?

Il y a 70 ans, nous fêtions la victoire contre le fascisme en Europe. Une pierre angulaire dans l'histoire qui a marqué un tournant important dans notre façon de penser et de concevoir le monde contemporain. Les foules en délire manifestaient ouvertement leur appartenance au nazisme avant 1945, ce fut jusque-là l'époque du fascisme militant, arrogant et insolent. Il est hors de question de laisser passer une telle chose se reproduire de nos jour, si ce n'est quelques cas marginaux auxquels plus personne presque ne prête attention. Le fascisme aurait-il disparu, vraiment ? Les fascistes ont depuis belle lurette compris qu'ils ne peuvent plus se permettre actuellement de manifester ouvertement leurs opinions. Ils ont appris à se cacher bien derrière le populisme et la démagogie, ils sont passés maîtres dans l'art de masquer derrière n'importe quelle idéologie leur véritable nature et ils attendent avec impatience que leur heure sonne de nouveau. Nous sommes à l'époque du fascisme rampant, le fascisme qui peut prendre le visage de n'importe quelle politique de gauche ou de droite. D'ailleurs, les fascistes sont maintenant parfaitement bien intégrés dans tous les bords politiques, ils sont à tous les étages de l'administration d’État. Et comme leur nom (« fasco » – de l'italien pour désigner le « faisceau ») l'indique si bien, ils ont tendance à se rassembler dans des réseaux de pouvoir et de harcèlement. Car la nature de leur comportement qui les distingue si nettement des autres consiste en leur propension à violer les droits humains, constitutionnels et civiques. En vérité, ce sont des personnes qui souffrent d'une pathologie dont le diagnostique précis reste encore à déterminer par les spécialistes de psychiatrie, car ils prennent du plaisir à harceler et faire souffrir les gens dans la privation de leurs droits fondamentaux en utilisant des techniques modernes d'espionnage et d'intrusion dans l'intimité de leur vie privée. Ce que nous appelons fascisme est en réalité la manifestation sociale de ce genre de comportements pathologiques par un groupe de personnes atteint du même type de maladie et qui ne rencontrent de toute évidence aucun mal à s'organiser et à se mettre à agir en réseau.

Un des exemples historiques les plus flagrants de la possibilité des fascistes à se cacher derrière une idéologie usurpée et de violer massivement, de façon ininterrompue et pendant des décennies, les droits fondamentaux à l'échelle de nations entières, dans plusieurs États en Europe de l'Est, était le soit-disant régime « communiste ». Ce n'était en fait qu'une autre forme de régime fasciste, différent de ceux qu'on avait connus en Italie, en Espagne et en Allemagne. L'hypocrisie et la propagande des deux côtés du rideau de fer ont empêché de faire éclater la vérité. Le régime totalitaire de l’« État Islamique » n'est qu'une forme originale de fascisme qui a usurpé l'identité d'une idéologie religieuse.

Le fascisme est venu donc se loger au cœur même de nos démocraties, il s'est parfaitement bien intégré à l'appareil d’État et au système de sécurité de chaque pays au monde. Lorsqu'il pénètre des entreprises du secteur privé, notamment dans le domaine de la surveillance et du gardiennage, on parle alors de fascisme corporatif. Les progrès technologiques des 30 dernières années ont permis d'élaborer des outils d'espionnage qui permettent un niveau extrêmement avancé d'intrusion dans la vie privée, voire intime des gens, mais ce qui a surtout marqué les 15 dernières années, c'est la massification de ces outils. Si dans les années 80 l'espionnage était strictement réservée à des professionnels, vers la fin des années 90 les technologies d'intrusion dans la vie privée ont été mis entre les mains de néophytes, car leur coût, leur miniaturisation et leur simplification les ont rendus accessibles à n'importe qui. Ainsi, les réseaux fascistes d'espionnage et de harcèlement dans la vie privée se sont étendus à un public très vaste. Face à ce phénomène, les États du monde entier ont vu une possibilité de garder un moyen de contrôle beaucoup plus illimité sur des phénomènes de société et des personnes qui représentaient un certain intérêt sans avoir à rendre compte à qui que ce soit. En même temps, l'existence de ces outils d'espionnage pourrait révolter les couches de la population qui sont prêtes à défendre leur démocratie, d'où la nécessité de cacher leur existence au grand public. Les États ont décidé en conséquence de ne pas détruire les réseaux fascistes là où ils se sont formés spontanément, mais de les intégrer à leur propre système et de s'en servir pour acquérir de façon non-formelle et officieuse des renseignements – avoir des yeux et des oreilles partout où cela était possible. L'objectif principal n'a jamais été la sécurité totale, mais la fascisation plus grande de la société, d'où la nécessité d'implanter et d'exploiter au cœur des gens un sentiment d'insécurité grandissant. Voici comment le terrorisme d’État est apparu.

Et c'est justement là où les terroristes ont gagné. Au lendemain des attaques armées à Paris, le gouvernement de gauche au pouvoir a pris des mesures sécuritaires de droite, voire d'extrême droite, en limitant les droits fondamentaux. Les terroristes sont sûrement des imbéciles fascistes, mais ils sont bien utiles aux pouvoirs fascisant dans le monde entier. Ceux qui jusqu'à présent harcelaient des gens ordinaires en violant leurs droits fondamentaux, organisés dans des réseaux fascistes, et qui n'ont jamais été poursuivis pour leurs actes, recevront désormais toute légitimité aux yeux de l’État afin de continuer à perpétrer leurs crimes. Ceux qui n'acceptent pas d'adhérer au système fasciste seront rejetés peu à peu en marge et en attendant que la masse critique pour déclarer ouvertement leurs véritables intentions soit atteinte, les gouvernements pseudo-démocratiques continueront à imposer le dictât de la démocratie, c'est-à-dire une manière de parler et de paraître en public qui au fil des années s'est transformée davantage en norme de conduite, une mode, qu'en quelque chose auquel les hommes politiques croient réellement. C'est cette hypocrisie du pouvoir en place, ce masque grotesque d'agneau porté par un loup, que les terroristes viennent de déchirer en révélant au grand jour le véritable visage de ceux qui nous gouvernent. C'est notre propre échec en tant que citoyens soucieux de la démocratie qu'ils ont mis à nu, car l'éclairage du système fasciste au cœur même de nos démocraties a été apporté non par l'une des nombreuses associations de défense des droits ni par une prise de conscience collective de citoyens se déclarant libres de penser et d'exprimer leurs opinions, mais par des zombis fascistes adeptes d'une cause perdu d'avance et que le monde entier désigne désormais comme la cible numéro un à abattre !

Le fait que des abrutis qui ont subi un lavage du cerveau nous donnent une leçon sur la réalité fasciste de nos pseudo-démocraties est incontestablement un paradoxe, mais ce n'est pas le seul et, de très loin, ce n'est sans doute pas le moindre. En effet, si les terroristes tuent quelques dizaines de personnes et réussissent à faire peur à quelques dizaines de milliers, les réseaux fascistes, eux, minent la démocratie de l'intérieur, comme des saboteurs, ils ruinent la vie à des dizaines de milliers chaque année par la violation de leurs droits, et mettent à mal l'économie entière du pays hôte où ils vivent tels des parasites sous prétexte d'être des patriotes qui font leur devoir envers la nation. La violation des droits humains, constitutionnels, civiques et sociaux, l'intrusion dans la vie privée, lorsqu’elles sont bien réalisées par les victimes, les conduisent à des souffrances profondes et oppressent leur investissement dans le développement personnel, d'où une baisse de leur productivité et un accroissement des charges publiques pour la santé entraînant l'économie d'un pays entier dans une spirale de manques à gagner importants, réduisant son PIB de façon conséquente. Voici le plus grand des paradoxes : les réseaux fascistes qui reçoivent le soutien plus ou moins tacite de l’État sont plus dangereux et destructeurs que les actes terroristes. Les fascistes sont des psychopathes face auxquels les terroristes paraissent comme des enfants de chœur. Or, la volonté non avouée, mais très nette, de tout État au monde est de nous fasciser de plus en plus. Il y a une quinzaine d'années, la France pouvait se permettre de critiquer les autres pays d'Europe, du haut de son piédestal de "pays des Droits de l'Homme", une prétention assez folle d'ailleurs, pour la montée de l'extrême droite au sein des membres de l'UE. Aujourd'hui, ce que l'on appelle extrême droite en France s'est bien frayée le chemin dans la vie politique. L'hypocrisie des dirigeants français, leur incapacité totale à démasquer et dénoncer le discours populiste et démagogique de l'extrême droite, les mettent en position de complices. Tant que le mouvement citoyen ne réagit pas face à l'enlisement systématique et progressif de nos pseudo-démocraties vers le fascisme, nous sommes condamnés à être en situation d'échec permanent par rapport aux terroristes et à ceux pour qui ces pauvres imbéciles sont bien utiles en fin de compte.


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