La France est K.O.
Qui peut la réveiller?

par Daniel Milev


La France est-elle en train de succomber au rêve américain? Le pays de l' "antiaméricanisme" n'est-il pas en passe de transformer sa société à l'américaine? Enseignement privé (avec moins d'heures de cours et des frais d'inscription à 6 000 €), santé et services postaux privatisés, etc. Face à ce scénario catastrophe, les jeunes ont l'air complètement anesthésiés par le discours hypnotisant du gouvernement actuel, apathiques et apolitiques, comme s'ils n'avaient plus le courage de leurs opinions. "Star Academy", "Loft Story", "Pop Star" et autres divertissements débiles ont-ils fini par lobotomiser les spectateurs? La réalité est devenue tellement absurde que les jeunes qui rigolent en regardant les guignols n'arrivent pas à admettre que ce sont les vraies coulisses de la diplomatie et de la politique qui se jouent devant leurs yeux. Le système actuel a su les transformer en ruminants dociles, incapables de se réunir même dans un "troupeau" pour défendre leurs intérêts collectivement. Ainsi, ils deviennent les spectateurs de leur propre déchéance, des spectateurs au ras des pâquerettes!

Individualisme et collectivisme

Le libéralisme a exacerbé le comportement individualiste, car il est souvent beaucoup plus difficile de se défendre seul que lorsqu'on est assisté. Il est beaucoup plus facile, voire plus commode pour certains de corrompre une seule personne plutôt qu'une collectivité entière. Certes, un homme politique n'est jamais seul. Voilà qui devrait nous rassurer. Mais les enveloppes qui arrivent sont toujours globales et dispatchées entre plusieurs responsables de divers partis. Comment s'assurer d'avoir la majorité au pouvoir de son côté? En misant sur les deux bord. Moins les partis au pouvoir sont nombreux, plus il est aisé de corrompre l'ensemble de la classe dirigeante. Une fois le parti en question installé au pouvoir, il lui faut renvoyer l'ascenseur. Et, si de plus ses bienfaiteurs peuvent se vanter de posséder un capital qui constitue une part non négligeable de la richesse du pays et que leur activité représente un pourcentage considérable du PIB, peut-on vraiment leur refuser? Bien sûr que la politique doit tenir compte des réalités économiques, mais elle ne doit pas pour autant être entièrement soumise aux lois des marchés et les hommes qui en tirent les ficelles. Sinon, c'est une politique sans caractère, une politique de lèche-bottes. Comment s'assurer alors du respect de cet équilibre fragile? Manifestement, les partis politiques ne suffisent plus pour le garantir à eux seuls.

Quel est le véritable danger pour la démocratie? Une démocratie a besoin d'un principe contradictoire jouant le rôle d'opposition. Tant que le système "communiste" existait, il y avait un facteur extérieur de compétition. Aujourd'hui, il n'est plus. A l'intérieur même de la France, la gauche s'est presque entièrement dissoute, et on peut dire que les socialistes actuels sont le parti de droite "le plus à gauche". Il n'y a plus de véritable opposition. Gauche et droite sont "le Bon flic, le Méchant flic", ce que l'un ne réussira pas à faire passer gentillement, l'autre le fera passer de force. Tous les discours qui vont dans le sens d'une société plus juste, basée sur le partage des biens plus équitable, sont désormais taxés d'utopistes. Les syndiqués ne s'y sont pas trompés en constatant que le sermon du gouvernement actuel est ainsi construit comme si on n'avait jamais d'autre choix. Or, d'autres possibilités existent toujours, mais les médias ne les relatent que très partiellement et contribuent de cette manière à un climat de fatalisme chez les jeunes qui sont de moins en moins conscients que la situation actuelle est due à un certain nombre de choix politiques et de société. Ils regardent comme des nouveaux-nés les hommes politiques décider de leur avenir avec les trois parques - Chirac, Raffarin, Sarkozy - en tête. Le vieux principe romain "Divises et règnes!", révèle bien l'essence même du pouvoir en place.

Comment devenir président de la République française avec 40 chefs d'accusation qui vous pendent au nez et à peine 18% des voix? A lui seul, Jacques Chirac peut se mesurer aux 40 voleurs qui ont pillé le peuple d'Ali Baba. Y avait-il un espoir d'amener les gens voter pour lui dans ces circonstances? Oui, et figurez-vous, sans même user de force! D'abord, il faut être capable de prendre de faux airs pour gagner en crédibilité, comme Chirac (sa façon de parler, de se tenir). Pour le programme, il n'y a aucun soucis. S'il en est une règle dans la vie politique, c'est bien celle qu'il n'y a aucune importance ce que l'on dit, la seule chose qui compte c'est la manière de parler. Et, Chirac, lui, a su se donner suffisamment de charisme pour enrouler 18% des Français. Vous pourriez promettre la Lune, il suffit juste de faire croire ce que tout le monde attend de vous: que vous respectiez vos engagements. L'important c'est de faire rêver les gens, comme à la télé. Ensuite, on doit enliser le débat sur un thème traditionnel de la sensibilté politique que l'on exprime. Faire croire à un duel avec un opposant de premier rang politique, et préparer en douceur le terrain pour un invité surprise de dernière minute que personne n'attend et contre lequel vous êtes assuré de ganer. Ce n'est pas un hasard que j'utilise le masculin, la présidence de la République, c'est une affaire d'hommes avant tout! La dispersion des voix dans le camp adverse au profit de candidats sans lendemain ne peut qu'être bénéfique. Non, mais, il n'y a que deux tours aux présidentielles, ce n'est pas "Star Academy"! Pour atteindre ces objectifs, rien de tel que d'avoir les médias télévisuels de son côté. Vous avez dit : "un pays démocratique"? Si chez TF1 ils voulaient illustrer le discours sécuritaire de la droite lors des présidentielles en 2002, ils n'auraient pas pu faire mieux!

Le résultat en est que l'on devra subir pendant encore trois ans un gouvernement décidé à abolir tous les acquis sociaux du peuple français sous prétexte d'une évolution moderne. Comment doit-on prendre les paroles du premier ministre Raffarin : "Ce n'est pas la rue qui gouverne"? Car, s'il désigne le peuple par cette métaphore peu  respectueuse des gens de ce pays, on ne peut pas s'empêcher de citer l'article 2 de la Constitution de la République française du 4 octobre 1958 : "Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple". Ceux qui nous gouvernent, travaillent-ils pour une minorité "d'en haut" qui n'est en fait qu'une bourgeoisie ayant suppléé la monarchie et qui s'est déguisée en libéralistes du capitalisme moderne? Mais, si c'est vraiement de la rue dont il parle, celle où nous marchons tous les jours, veuillez me pardonner ma naïveté, il a raison!

Ce que les gens pensent et disent tout bas

"Il aurait fallu que Le Pen soit devenu président pour que les Français se réveillent vraiment". Décidément, dans ce pays, tout se fait, ou presque, par réaction. Il faut toucher le fond pour pouvoir rebondir. Il faut que la situation sociale se dégrade à l'extrême pour accepter de ravaler sa fierté d'être le peuple le mieux loti dans le monde, comme les hommes politiques non sans arrière-pensée ne cessent de le rabâcher, pour qu'une nouvelle révolution balaie d'un seul coup tout le système. La majorité actuelle est bien rompue dans les discours démagogiques et la communication anesthésiante. Les gens ne sont donc pas capables d'identifier clairement les problèmes qui risquent de se poser suite à telle ou telle prise de position du gouvernement. Ou alors, ils croient que cela ne concernera que les autres. Où est la solidarité dans ce beau pays? Dès qu'on parle de "bien communs", de "partage équitable", des gens malveillants nous sortent des formules toutes prêtes : "On a vu ce que cela a donné sous le communisme!", ou encore : "C'est désabiller Paul pour habiller Pierre!". Non! Vous n'avez rien vu. Vous n'y étiez même pas. Et je trouve dommage que des gens ayant vécu dans une démocratie, et donc sensés "mieux" réfléchir, n'aient pas compris la véritable nature du régime que nous avons enduré à l'Est. C'était un régime fasciste. La seule différence que nous avons relevée nous-mêmes c'est que les nazis n'avaient jamais exproprié les terres de leurs paysans. Les soit-disant "communistes" l'ont fait, eux. Pour le reste, tout y était : la répression des opposants politiques, les camps de travaux forcés, la persécution des minorités ethniques, etc... Vous êtes encore sous l'effet flatteur de la "victoire du capitalisme sur le communisme". Mais au fait, y a-t-il eu une véritable victoire? Le vrai danger n'est-il pas dans votre incapacité à vous remettre en cause? Car cela peut arriver aussi chez vous. C'est déjà arrivé! Il est vrai que jusqu'à il y a pas très longtemps, en France, on refusait d'admettre que Vichy était une page de l'histoire française. Mais alors que, de nos jours, les Français dénonçaient la montée de l'extrême droite dans d'autres pays européens, ils ont eux-mêmes frôlé le désastre lors des fameuses présidentielles en 2002 où Le Pen obtenait plus de 16% devançant un premier ministre socialiste sortant que l'on pourrait bien regretter à certains égards. Le terreau nationaliste a finalement toujours été là. Il attend son heure avec impatience. Et, si au deuxième tour de ces élections malheureuses les Français avaient eu un sursaut d'orgueil, c'était également un formidable coup d'épée dans l'eau! Le plébiscite de 82% pour Chirac en laisse muets plus d'un en Europe.

Dans une vraie démocratie, on est sensé avoir le choix. Or, avec le système actuel, nous avons eu la preuve qu'il est tout à fait possible de se trouver à choisir entre un escroc et un fasco. Hasard ou inévitable? Statistiquement, lorsqu'un évènement est possible, il finit toujours par arriver. D'autant plus qu'il y a la volonté derrière pour le provoquer. Est-ce que l'on peut dire que le système démocratique fonctionne encore en France? Et comment éviter le pire?

Le combat juste des peuples libres

Dans tous les films de science-fiction qui se basent et qui fondent en partie notre culture, il y a toujours une minorité (voire un seul héros) qui entraîne les autres contre les forces du mal. Les gens attendent que des individualités prennent le flambeau pour organiser une résistance. Certains ici se sentent mieux uniquement parce qu'ils voient la misère du Tiers Monde que l'on exhibe copieusement à la télé, avec des réfugiés qui tentent de pénétrer en catastrophe dans des bateux qui coulent, mais sont incapables de la voir dans leur propre pays parfois même tout aussi cinglante. On nous fait croire de bien vivre, car la France est un pays extrêmement riche, et que l'on a l'habitude de ne regarder que les façades et les vitrines. Bref, dans leur fierté, les Occidentaux sont tombés bien bas pour se comparer aux plus misérables dans le monde et en tirer un soulagement. Les malchanceux de l'autre côté de la barrière ont davantage envie de s'en sortir et, à ce titre, ont plus de mérite à mes yeux.

Nous avons besoin d'une société dans laquelle tout le monde participe à la citoyenneté au quotidien et pas uniquement lorsqu'il y a des élections. N'est-ce pas la démocratie même? La solidarité et le bien commun doivent être placés au centre de notre sytème de valeurs. John Lenon avait déjà apporté sa réponse à ceux qui crient "Utopie!" - "You may say I'm a dreamer, but I'm not the only one". Avis à ceux qui ne l'ont pas entendu de cette oreille ou à ceux qui ne l'ont pas entendu du tout! A ceux qui disent qu'il ne faut pas enlever la chemise à Paul pour la donner à Pierre, je réponds que Paul en a sans doute une dizaine alors que Pierre n'en a aucune. Ce n'est pas parce que nous avons acquis des droits que nous n'avons plus le droit de rien revendiquer. D'autant plus que le peu qu'il nous reste est sans cesse attaqué et mis à mal. Quel exemple donnerons-nous aux pays en difficulté qui veulent s'en sortir, si nous pliions à chaque fois qu'il devient un peu plus difficile et qu'il faut agir? Français, secouez-vous! Ne laissez pas votre démocratie s'enliser doucement dans une autocratie! C'est difficile, car il faut être constamment vigilant, c'est le prix à payer, s'il en est un. Ce qui est acquis ne l'est jamais définitivement. La seule oppostion politique dans ce pays ne peut venir actuellement que du peuple dans les rues. Alors, défendez votre démocratie!