Montpellier : le Soleil gris !

   Héliotropisme : le terme désigne l’orientation des organismes,
et en particulier des humains, par rapport au Soleil.

A seulement 9 km de la Méditerranée, Montpellier bénéficie de 2687 heures d’ensoleillement [1]. Une ville de  225 511 habitants [1] qui attire chaque année beaucoup de jeunes. Belle et ambitieuse, la ville ne cache pas son désir de sortir de l’ordinaire et de marquer les esprits par une architecture « moderne » qui fait dire aux mauvaises langues qu’elle relève de la mégalomanie de ses dirigeants. En 2000, elle s’est dotée d’une nouvelle ligne de tramway et une deuxième est en voie de construction. Bref, apparemment, elle a tout pour plaire. Tout de même, si des efforts particuliers et une très grande attention ont été portés aux nouveaux quartiers du sud-est de la ville, d’autres semblent avoir été depuis longtemps oubliés.
« Le Soleil ne brille-t-il pas également pour tous ? » Il semblerait que non.
daniel

   Tels les gens du Petit Bard qui luttent depuis des années parce qu’on les a escroqués pour des millions alors que leur situation sociale est déjà assez difficile. Dans leur cas, il est encore trop tôt pour envisager un cadre de vie normal. Les mots architecture et design feraient même rire. On dirait que ce lieu, mais aussi la Paillade, ont été délaissés à un point tel qu’ils ne semblent plus appartenir à la ville. Le sentiment qui domine chez les jeunes de ces quartiers est qu’il y a une double discrimination à leur égard : sociale et même ethnique, car la majorité d’entre eux sont en HLM et d’origine maghrébine.

   Face à la démographie galopante (800 personnes par mois[3]), la consruction de nouveaux logements s’essouffle. Pire, les promoteurs maintiennent la demande forte en construisant peu pour que les prix des loyers flambent. Ceci leur assure un retour d’investissement plus rapide et donc profitable. Les premières victimes, parmi les populations les plus sensibles, en sont les étudiants qui représentent un quart des habitants de la ville. Sur les 62.000 d’entre eux, 12.000 sont boursiers sur critères sociaux échelon 5 (le plus bas), ce qui traduit une précarité énorme chez les jeunes.

   Mais ce n’est pas le seul mal qui frappe les habitants de cette ville. Le chômage, voire la solitude les guettent à tous les coins de rue. Chez les femmes de Montpellier 9,8% sont au chômage contre 6,8% dans le reste de la France [2]. Chez les hommes 10,3% ne travaillent pas contre 5,9% ailleurs [2].Quel est le pourcentage de ceux qui ont vraiment les moyens de se le permettre et qui profitent pleinement du Soleil ? Les statistiques ne le disent jamais! Toujours est-il, ceux qui travaillent à temps partiel sont 16,6% chez les femmes de Montpellier contre 13,9% en France et 5,7% chez les hommes contre 3,2% ailleurs [2]. Cela s’explique en partie par le fait que la majorité des jeunes qui viennent et qui vivent ici font des études supérieures et travaillent pour certains à côté de leurs études. Cette hypothèse est confortée par les statistiques selon lesquelles 7,3% des femmes à Montpellier ont un niveau supérieur à bac+2 contre seulement 3,6% des femmes en France [2]. La situation est analogue chez les hommes de Montpellier qui surpassent de quelques  3,4% leurs homologues dans l’ensemble du pays [2]. Mais qui dit travail à temps partiel, dit souvent situation précaire. A cela vient s’ajouter une certaine solitude. Il est difficile d’en donner une estimation. Jugez plutôt vous-mêmes : 64,4% des femmes et 57,4% des hommes à Montpellier ne sont pas mariés. Cela correspond à un surcroît de 13,3% et 10,77% respectivement par rapport au reste de la population française [2]. Les femmes vivant seules avec au moins un enfant représentent 8% du total des ménages ici contre 6,8% en France [2]. La première cause de mortalité chez les jeunes de moins de 25 ans ici sont les accidents de la route. Il en va sans dire qu’une large partie en revient à la consommation d’alcool. Et si les jeunes boivent, ce n’est pas uniquement pour faire la fête, mais aussi parce qu’ils dépriment. C’est pourquoi personne ne s’étonne que la deuxième cause de mortalité, dans la même tranche de population, c’est le suicide. Nous vivons dans une société qui tue ses jeunes et qui a du mal à cacher son malaise.

   Thermosensibilité : c’est le sixième sens, celui que possède le commun des mortels, mais étrangement aussi celui que les humains oublient toujours. Il s’agit  de notre capacité à ressentir la chaleur et le froid à distance sans qu’il y ait forcément un toucher.

    Malheureusement, cet été encore, le Soleil ne suffira pas pour réchauffer tous les cœurs !

                                                                                                   Daniel MILEV




[1] – Ca m'intéresse, février 2003, dossier: "Où fait-il bon vivre?", p. 42 et sur www.caminteresse.fr/
[2] – La Gazette de Montpellier, du vendredi 8 au jeudi 14 mars 2002, art. "Montpelliéraines, vous êtes uniques", p. 20-21
[3] – Le Point du mois de mai 2003