La Bulgarie aux JO de Pékin 2008
par Daniel Milev

Les médailles olympiques

La Bulgarie participe aux JO depuis leur début en 1896. Avant l'Olympiade de Pékin 2008, elle a enregistré sa présence aux JO 17 fois. La première médaille bulgare est en bronze, en 1952. Depuis, on peut dire que ce pays prend véritablement goût aux médailles olympiques. Leur nombre ne cesse d'augmenter sous l'œil, d'abord bienveillant, mais par la suite jaloux, du grand frère communiste - l'URSS. Une véritable bataille sera engagée entre les deux pays dans un sport où les soviétiques dominaient le monde entier jusqu'alors et qui devait être une fierté nationale pour eux - l'haltérophilie. Cela ne tardera pas à causer des ennuis à la Bulgarie dès l'Olympiade de Munich en 1972, lorsque les Bulgares commettent l'erreur impardonnable - ils battent l'URSS au nombre de médailles dans cette discipline. Les Russes gagnent alors 3 médailles d'or, une en argent et une en bronze. Les Bulgares remportent 3 en or et 3 en argent. A cette époque, 6 médailles d'or au total avaient suffit pour que la Bulgarie soit classée 9ème derrière les plus grandes nations et devancée uniquement par la Hongrie. Lorsque l'entraîneur le plus émérite bulgare d'haltérophilie - Ivan Abadjiev, évoque dans ses souvenirs cette époque, et à la lumière des scandales de dopage qui ont presque anéanti ce sport en Bulgarie, il ne peut pas s'empêcher de dire ouvertement ce qu'il en pense : "Quand la grande bataille fut engagée, la bataille colossale, celle avec l'équipe soviétique, entre l'équipe bulgare et soviétique, c'est depuis lors que ces évènements négatifs ont commencé." Selon lui, en 1976, lorsque deux haltérophiles bulgares sont accusés de dopage, la commission chargée de vérifier les seconds tests constate que les scellés de plomb avaient été détruits. Un coup des Russes ? Pas certain. Abadjiev ne cache pas son sentiment que ces coups successifs et méthodiques contre ce sport en Bulgarie viennent de l'intérieur du pays même. Face à la menace de représailles, les "services" bulgares auraient-ils décidé d'anticiper en punissant les "coupables" ? Ou bien, comme le croît Abadjiev, le nombre de médailles est-il partagé à l'avance par la Fédération Internationale d'Haltérophilie et les scandales de dopage sont-ils organisés au sein même de la Fédération Nationale pour répondre aux exigeances de répartition posés ? Nous avons été témoins en avril 2008 de l'affaire dans laquelle l'équipe grecque d'haltérophilie s'est fait écarter des JO suite à une "erreur" de la part d'une entreprise chinoise, qui de surcroît s'est avérée non licenciée, et qui avait pollué des compléments alimentaires parfaitement autorisés, par des stéroïdes anabolisants. Une affaire similaire s'est déclenchée en Bulgarie deux mois après sans trouver de coupables cette fois-ci. Le résultat en a été que la Chine a raflé 8 médailles d'or dans cette discipline ce qui alimente les doutes. Le président de la Fédération Internationale d'Haltérophilie(IWF) Tamas Ajan a largement exploité cette affaire de dopage pour donner un exemple de lutte sans compromis contre ce fléau dans ce sport à la veille des JO de Pékin 2008. Une campagne "mains propres" très copieusement médiatisée par Eurosport début août 2008 lors de laquelle il déclare qu'il avait prévenu les Bulgares des années durant et qu'il n'avait pas était entendu, mais qu'ils avaient continué à tricher. Le temps était venu selon lui qu'il leur apprenne lui-même à se conformer aux règles. La décision de la sortie de l'équipe bulgare des Jeux aurait été dicté par le fait que sa présence aurait entaché ce sport. Le retrait de l'équipe avait été annoncé en réalité par le Comité National Olympique bulgare le 27 juin 2008. Le président de la Fédération Bulgare d'Haltérophilie, Anton Kodjabashev, ne démissionne pas malgré tout. Il se contente de limoger les entraîneurs alors que tous en Bulgarie attendent sa démission, notemment la présidente de l'Agence Nationale de Jeunesse et Sport, Vessela Lecheva. Le temps passe, les choses se tassent, et voici que le président de l'IWF, Tamas Ajan, envoie une lettre par fax à la présidente du Comité National Olympique bulgare - Stefka Kostadinova, avant les fêtes de Noël, à en croire la presse bulgare. Dans cette lettre il aurait déclaré que les Bulgares étaient les grands absents des Jeux Olympiques à Pékin suite aux cas de dopage honteux révélés. Mais malgré cela il aurait exprimé sa certitude que l'haltérophilie en Bulgarie ne doit pas être enterrée. Ensuite, subitement, il aurait déclaré son soutien pour la candidature du président de la Fédération Bulgare d'Haltérophilie, Anton Kodjabashev, au poste de président de la Fédération Européenne(il en est le premier vice-président actuel) et aurait demandé à Stefka Kostadinova d'user de son inluence pour faire revenir l'haltérophilie bulgare au plus haut niveau le plus vite possible afin d'être prête pour les JO à Londres 2012. Cela paraît en effet étrange que le président de l'IWF, Tamas Ajan, déclare d'abord en été qu'il avait prévenu les Bulgares pendant longtemps, mais que face à leur obstination à maintenir les anciennes méthodes il aurait décidé de leur apprendre lui-même les règles du jeu, ce qui est équivalent à un désaveu ! Pourquoi soutiendrait-il le président de la Fédération Bulgare d'Haltérophilie alors, s'il le juge publiquement incapable de régler les problèmes et qu'il s'octroie le droit de remettre les choses en ordre lui-même, c'est-à-dire agir à la place du président de la Fédération Nationale ? Hé bien, parce que ce dernier lui est entièrement dévoué ! A travers Anton Kodjabashev, c'est Tamas Ajan qui dirige les choses dans la Fédération Bulgare. Il y avait besoin de marquer les esprits avant les Jeux avec un gros coup spectaculaire et bien médiatisé afin de lustrer l'image ternie de l'haltérophilie aux yeux du monde entier, pour berner tous que c'est un sport "propre". Et les Bulgares ont accepté de jouer le rôle des boucs emissaires. Le produit incriminé a été probablement mélangé à des additifs nutritionels parfaitement autorisé destinés à la récupération. Ce qui est incohérent, voire absurde, c'est qu'il s'agit de métandienone qui n'est ni utilisé ni produit depuis 20 ans et qui est détectable pendant 6 mois après usage ! Ce serait donc entièrement privé de toute logique d'en prendre consciemment au mois de mai, avant l'Olympiade, alors qu'il y des contrôles réguliers depuis le début de l'année et pendant les Jeux ! Cependant, si les Bulgares se sont sacrifiés, il faudra les récompenser ! Une place de président de la Fédération Européenne ne suffit pas, car des sportistes ont été puni, certains à vie, d'autres ont renoncé définitivement à la compétition à cause de leur honneur bafoué, et la Bulgarie rate une participation au JO. Cela devrait bien rapporter un peu de l'or lors des prochains Jeux Olympiques à Londres 2012, vous parlez d'un sport !

Maria Grozdeva - double championne olympique de tir au pistolet à Sydney 2000 et à Athènes 2004.
A l'époque du communisme, en Bulgarie, l'Etat investissait énormément dans les écoles sportives pour les plus jeunes et le nombre de médailles d'or aux JO pour ce pays ne cessait de croître atteignant 10 à Séoul  en 1988 ce qui lui a vallu la 7ème place, mais toujours derrière la Hongrie. Après la chute du communisme tout s'écroule, y compris l'Etat, et les résultats aux Jeux se dégradent visiblement depuis. Trois médailles d'or à Barcelone en 1992, 3 à Atlanta en 1996, 5 à Sydney en 2000, 2 à Athènes en 2004 - la 3ème ayant été accordée frauduleusement par deux arbitres à la Grèce, et une seule médaille à Pékin 2008. A noter que la Grèce n'a eu occune médaille d'or aux derniers JO en 2008. Elle n'en gagne essentiellement que lorsqu'elle organise l'évènement à domicile. Cela est arrivé à deux reprises dans l'histoire olympique - en 1896 lors de la première Olympiade qui apporta à la Grèce 10 médailles d'or et en 2004 - 6 médailles d'or. Il faut savoir que les Grecs ont au total 30 médailles d'or aux JO d'été, ce qui signifie que la moitié d'entre elles ont été remportées à domicile. Ceci est l'exemple parfait pour illustrer à quoi sert l'organisation des Jeux pour le pays hôte.

Dans un milieu hostile où les grandes nations sont favorisées pour l'obtention des médailles par les arbitres, surtout dans les sports nécessitant une appréciation subjective de leur part, comme la Gymnastique Rythmique, les petits pays ont appris a être très compétitifs. Adriana Dunavska, entraîneur de l'ensemble bulgare de GR, n'arrive pas à avaler le fait d'avoir vu les filles se faire reléguer à la 5ème place après avoir joué parfaitement en finale tandis que les Russes, qui avaient commis des erreurs, se sont vu accorder la médaille olympique à Pékin. Cela faisait longtemps que la Fédération Française de GR menait une campagne de séduction pour attirer Adriana Dunavska dans son camp. Pouvait-elle éternellement refuser face à des arbitres qui dévalorisent sans cesse son travail, alors que l'entraîneur bulgare peut espérer obtenir de meilleurs résulats avec un grand pays comme la France, qui possède un bon lobby international, et même si selon ses dires la France ne possède pas de très bonnes gymnastes en ce moment ? Un petit pays perd un grand entraîneur, un grand pays en gagne un pour accroître l'étendue de son rayonnement dans le sport, mais également dans l'esprit des gens du monde entier. Voilà dans quel milieu les petits pays doivent parvenir à se creuser une place parmi les plus grands de ce monde, et pas uniquement grâce à un travail énorme et à du talent, mais aussi malgré le lobby des plus grands pays parmi les arbitres. Ils sont supposés se réjouir de la place que l'on leur accorde "généreusement".

Cependant, certaines formations surgies de l'époque agitée de l'éclatement du bloc soviétique, comme des fantômes du passé contre lesquels les petits pays se battent toujours, existent encore dans le classement par médailles des nations à tous les Jeux d'été et d'hiver, et il ne pouvait pas en être autrement. Une telle formation, issue de l'éclatement de Union Soviétique et qui se donna le nom d'Equipe unifiée de l'ex-URSS, participa uniquement à deux Olympiades consécutives - à Albertville et à Barcelone en 1992(c'est la dernière fois où les Jeux d'hiver et d'été sont organisés la même année), et remporta un total de 54 médailles d'or. La Bulgarie, qui n'en a que 52 après Pékin 2008, doit attendre de 2 à 4 ans afin de prendre les deux médailles d'or qui lui manquent pour occuper dignement la 25ème place de ce classement par le nombre de médailles d'or gagnées à tous les Jeux Olympiques. Voici un petit pays de moins de 8 millions d'habitants qui trouvera bientôt sa place parmi les 25 formations olympiques les plus médaillées au monde, dont 4 sont des fantômes du passé telle l'Equipe unifiée de l'ex-URSS dont on vient de parler, mais également l'URSS lui-même, la RDA et la RFA. Certains pays n'ont pas fini de combattre des fantômes qui sont devenus les leurs...


Jeux Olympiques d'été et d'hiver depuis 1896
Médailles par nations après Pékin 2008
 Rang  Équipe  Or  Argent  Bronze  Total
 1  États-Unis États-Unis  1006  805  694  2505
 2  URSS URSS  473  376  355  1204
 3  Allemagne Allemagne  257  281  282  820
 4  Italie Italie  227  189  207  623
 5  France France  216  233  267  716
 6  Royaume-Uni Royaume-Uni  212  257  259  728
 7  Allemagne de l'Est RDA  192  165  162  519
 8  Suède Suède  181  188  215   584
 9  Drapeau de la République populaire de Chine Chine  167  133  119  419
 10  Hongrie Hongrie  156  137  159  452
 11  Norvège Norvège  150  148  124  422
 12  Russie Russie  144  123  132
 399
 13  Finlande Finlande  140  139  165  444
 14  Australie Australie  134  137  167  438
 15  Japon Japon  123  116  128  367
 16  Pays-Bas Pays-Bas  97  110  119  326
 17  Canada Canada  93  133  147  373
 18  Roumanie Roumanie  86  89  118  293
 19  Corée du Sud Corée du Sud  85  82  79  246
 20  Suisse Suisse  82  105  107  294
 21  Autriche Autriche  69  98  107  274
 22  République fédérale d'Allemagne RFA  67  82  94  243
 23   Cuba  66  62  60  188
 24   Pologne  63  83  123  269
 25  Équipe unifiée Équipe unifiée de l’ex-URSS  54  44  37  135
 26  Bulgarie Bulgarie  52  86  80  218

7 septembre 2008