Le miroir aux alouettes
par Daniel Milev




Qui n'a pas rêvé un jour d'être tout(e) nu(e) en public et d'en avoir eu très honte? Les enfants sont naturellement assez pudiques lorsqu'ils ont eu pour modèles des parents qui le sont également ou s'ils vivent dans un pays où la nudité est proscrite sur les affiches publicitaires. Dans nos sociétés développées, il est désormais difficile d'expliquer à un(e) enfant que l'on ne doit pas se montrer tout(e) nu(e) devant des invités lorsqu'on est à la maison. La faute aux publicitaires qui n'hésitent pas à jouer sur l'érotisme pour satisfaire aux exigences de rentabilité (retour de l'investissement) des marchands. Difficile d'expliquer pourquoi ces femmes de l'affiche acceptent-elles de dévoiler leur corps ainsi? La réponse qu'un adulte apporterait en général à cette question c'est qu'elles le font pour de l'argent. Mais cela ne fait que soulever de nouveaux questionnements chez l'enfant : comment est-ce possible d'échanger de la honte contre de l'argent? Qui plus est, l'argent sera gaspillé, les images, elles, resteront! Et pourquoi présenter un produit qui n'est même pas à elle? Elle ne gagne rien sur sa vente? Voilà une occasion pour nos bienveillants parents ou amis de nous inculquer l'idée de l'importance de l'argent et que contre une somme convenable on peut accepter de faire beaucoup de choses et pour le compte d'autres gens.

Le problème n'est bien sûr pas dans la nudité elle-même. Pas non plus dans le fait qu'on nous a appris à porter des vêtements depuis tout petits et ce même lorsqu'on est au lit, pour des questions d'hygiène. Les sous-vêtements sont devenus une extension à notre corps, une seconde peau qui cache nos parties intimes ou "honteuses", selon la morale chrétienne. Les nudistes ont réappris à être nus en la compagnie de ceux qui partagent leurs points de vue. Le nudisme était pratiqué depuis des siècles, à des époques diverses, sous les formes les plus variées. C'est loin d'être un phénomène nouveau. Il n'y a donc aucune raison de croire que la nudité en elle-même soit quelque chose de négatif, mais c'est sans doute la manière de la mettre en images qui peut tout changer. Les publicitaires le savent depuis longtemps, eux, pour qui l'objectif principal consiste à déclencher une impulsion d'achat. Impulsion, impulsivité, consommation et perversion. Cependant, ils ne sont pas les seuls responsables pour le déclenchement de cette chaîne de la consommation qui, au nom de la logique commerciale, marque le pas de nos vies sans que nous en soyons véritablement conscients. L'industrie du sexe a su en tirer aussi largement profit et porte une grande part de responsabilité. La perversion est-elle voulue, un résultat recherché, espéré, ou est-ce simplement le fruit du hasard, une conséquence inattendue et fâcheuse dont on ne s'embarrasse pas tellement d'ailleurs ? Dans cet article nous nous contenterons de décrire uniquement les mécanismes par lesquels se construit cette preversion qui a su gagner une très large partie de la population mondiale. En témoignent les effusions d'images et de films à contenu pornographique sur Internet, ainsi que la forte demande, et c'est sans parler des blagues à connotation sexuelle qui se racontent entre amis de tout temps.

Une publicité de lingerie qui était récemment à l'affiche montrait une jeune et jolie femme en sous-vêtements, allongée, avec le slogan publicitaire suivant : "A ce prix c'est encore plus sexy"! Bien sûr, il s'agit de vanter les mérites du produit qui est non seulement de bonne qualité, mais aussi bon marché. A priori rien d'anormal donc. C'est une pub parmi tant d'autres qu'on aurait pu découvrir dans une brochure ou sur n'importe quel autre support. Il n'y a pas non plus une raison particulière de saisir cet exemple-là plutôt qu'un autre. Alors, regardons cela d'un peu plus près!

L'un des objectifs principaux du marketing consiste à déclencher une impulsion d'achat, comme nous venons de le faire remarquer. Cela est notamment le cas lorsqu'on souhaite faire la promotion d'un nouveau produit ou juste pour relancer des ventes qui stagnent. Concrètement, il s'agit de faire rêver les cibles (clients) potentiels à travers le produit. Dans notre exemple, il y a une mise en valeur mutuelle entre le produit et la femme qui le porte. La femme représente la jeunesse, la fraîcheur, la beauté, et elle gagne en charme, en séduction, grâce au produit. Tout cela a l'air normal et anodin. Pourtant, ce n'est pas le cas. Nous allons tenter d'en apporter une explication.

Il est extrêmement important d'être capable de mettre un nom, un mot, sur chaque sentiment ou intuition que nous avons, dans une situation particulière. Car ceci nous permet de nous en souvenir. De plus, si le mot est juste, nous arrivons à mieux comprendre les choses puisqu'à ce moment nous sommes dans la mesure d'intégrer la nouvelle idée dans un réseau logique de définitions que nous avons déjà créé de par notre culture. Il ne s'agit pas forcément d'inventer un nouveau mot, mais juste d'attribuer un nouveau sens à une notion déjà connue. Ce sont les relations, les rapports, existant entre les différents éléments de ce réseau de définitions qui nous premetteront de mieux situer la nouveauté. Nous allons donc tenter d'apporter les mots les plus justes pour faire prendre véritablement conscience de certaines choses que beaucoup d'entre nous ont plus ou moins bien ressenti à divers moments de leur vie, mais qui n'ont pas entièrement émergé dans la conscience et, de ce fait, se sont retrouvées occultées par elle comme étant inutiles.

Comment amener donc des gens parfaitement conscients, en pleine possession de leurs capacités intellectuelles à avoir un comportement impulsif (passage direct du préconscient à l'action en court-circuitant la conscience)? Pour le savoir, il faut d'abord se demander s'il n'existe pas un processus mental qui nous permet d'agir sans utiliser la réflexion. La réponse est : "Oui". Un tel processus existe et il nous est même indispensable. Il ne s'agit pas du fonctionnement des organes qui est parfaitement inconscient et vital. Cela relève plutôt de la physiologie et des processus innés, transmissibles génétiquement. Le processus qui nous intéresse a davantage rapport à la psychologie, car il est issu de l'acquis, que ce soit par l'imitation, en s'entraînant (par la répétition), ou par un besoin d'adaptation. Ainsi, nous avons appris à marcher, à faire des dizaines de gestes de la vie quotidienne plus ou moins inconsciemment. En réalité, si nous devions penser sans cesse à ces tâches, notre conscience risquerait de s'en trouver presqu'entièrement encombrée et donc ceci pourrait nous empêcher de réfléchir, voire de parler. Or, si notre nature a particulièrement prêté attention à la réflexion, c'est qu'elle est indispensable à notre survie et à notre évolution. Cependant, si on est capables d'acquérir certaines choses par nous-mêmes, ne peut-on pas nous en inculquer d'autres en utilisant le même processus? Bien sûr que oui! On peut s'en servir pour l'enseignement et l'apprentissage. Mais, on peut aussi s'en servir pour autre chose. C'est une histoire qui se répète sans fin. D'abord, quelqu'un réalise une découverte scientifique, ensuite des gens soucieux de gagner de l'argent réfléchissent comment on pourrait utiliser la découverte pour que cela rapporte. C'est bien la logique commerciale qui est toujours à la base de ce détournement.

Voici de quoi il s'agit. Dans notre cerveau, les spécialistes distinguent trois types différents dont le plus primitif est appelé "cerveau reptilien". Il est le siège des apprentissages inconscients et l'apprentissage qui s'y opère est appelé "conditionnement". Le conditionnement est donc la pratique qui consiste à s'adresser, à "parler", au cerveau reptilien. Il se trouve que ce dernier est également le siège des instincts et des réflexes innés. Sachant cela, il ne reste qu'à découvrir les techniques necessaires pour conditionner les gens à avoir un comportement que l'on souhaite qu'ils aient. C'est ce que les publicitaires ont réussi à faire. Et pas uniquement eux. Une des méthodes pour conditionner est la répétition. Mais ce n'est pas très subtil. Une des plus puissantes, consiste à utiliser des images auxquelles peut s'attacher un message écrit. Ainsi, par exemple, la simple vue d'un tableau de peintre permet d'atteindre les zones inconscientes de l'esprit. On peut même dire que la qualité d'une œuvre, et donc le talent d'un artiste, dépend de sa capacité à traverser la conscience, atteindre notre inconscient et en ramener des choses dont on prend subitement conscience. C'est le message du peintre adressé à nous et c'est souvent un moment de révélation. Il est certain qu'un état d'esprit particulier et propice peut largement favoriser ce déclic. Voilà pourquoi les publicitaires se servent tellement d'images. La différence avec l'art, c'est que leur but est de rendre le message inconscient et ce le plus longtemps possible. De cette manière, les commerçants peuvent espérer que lorsque nous verrons leurs produits sur une vitrine, nous aurons spontanément envie d'acheter croyant à un simple coup de cœur. Les femmes semblent être particulièrement sensibles à ce type de conditionnement.

Les hommes et les femmes ne voient pas les mêmes choses. Face à une affiche, comme celle de l'exemple cité, nous n'avons pas tous les mêmes réactions. Au plus jeune âge, la question du pourquoi cette femme a-t-elle accepté de se faire photographier presqu'entièrement dévêtue et exposer son image à la vue de tous ne reçoit pas une réponse équivalente. Les filles développent depuis le plus jeune âge une coquetterie qui leur est propre et qui détermine leur rôle de séductrices, à savoir mettre en évidence les avantages de leur physique. Elles se maquillent par imitation des plus grandes, elles dansent, elles bougent beaucoup en jouant de leur corps. Elles ont la conscience de l'attrait, du magnétisme, de leur apparence. Cette logique se poursuit jusqu'à l'adolescence et au-delà avec bien de variations, des hauts et des bas. Face à une affiche et en la présence des garçons, les filles sont au début un peu intimidées, gênées, comme si quelqu'un les avait trahies en dévoilant leur intimité contre leur gré. Mais au fil du temps, elles se rendent compte que le corps féminin plaît aux garçons. Lorsqu'elles ont la chance de constater, en se comparant aux mannequins à la mode, qu'elles n'ont pas ou peu à leur envier physiquement, le désir intime de se valoriser à travers leur corps en le dévoilant les gagne entièrement. Pour les filles, ce serait vraiment réaliser un rêve secret que d'avoir une occasion de montrer leur physique avantageux au plus grand nombre. Elles veulent conquérir les cœurs des gens, des hommes, par la beauté que la nature leur a offert. Cependant, elles ne voudraient pas qu'on les considère comme des filles "légères" et "faciles", d'où également leur réticence à voir quelque chose de malsain dans ces images publicitaires.

Les garçons, eux, préfèrent voir les choses autrement. Voyons, ça les arrangerait bien de croire que les filles sont prêtes à se déshabiller pour un rien! Mais nous parlerons plus en détail sur le comportement des hommes par la suite.

La vérité est-elle quelque part au milieu? Difficile à dire. Néanmoins, une chose est certaine, l'effet de ce genre de publicité est néfaste à long terme aussi bien pour les uns que pour les autres. La raison de cet état de fait n'est pas là où on la cherche. Dans le cas des publicités par voie d'affichage, mais c'est également le cas de la télé et des autres médias, il y a un double effet de conditionnement qui se cumule. D'abord, c'est l'image qui traverse la conscience et ensuite c'est la répétition à longueur d'année d'images similaires qui communiquent exclusivement sur l'érotisme. En quoi consiste cet effet et comment influe-t-il sur notre comportement? Et bien, figurez-vous que ces publicités arrivent à faire rêver aussi biens les filles que les garçons. Les filles parce qu'elles aimeraient avoir le même corps que la femme qui pose, et lorsqu'elles le possèdent, elles rêvent d'avoir une occasion de le montrer tout en imaginant l'ahurissement que cela provoquerait chez les autres. Les garçons, parce qu'ils aimeraient que leur amie soit comme celle de l'affiche. Ce qui peut paraître normal à beaucoup comme faisant partie de la séduction ne l'est pas véritablement. Souvenez-vous, lorsqu'on est enfant, on est plutôt pudique ! Ce côté légèrement "exhibitionniste" en société s'acquiert justement par le conditionnement publicitaire et c'est loin d'être sain ! En effet, comme nous l'avons déjà dit, ce n'est pas la nudité elle-même qui est en cause, mais sa mise en scène. Pour inciter à l'achat, il faut réveiller des instincts enfouis dans l'inconscient. L'instinct de reproduction y est logé quelque part, mais la nature a su le détourner en désir de relations sexuelles, d'accouplement. C'est le cas chez les primates et chez d'autres mammifères, contrairement aux mensonges véhiculés par certains qui veulent nous faire croire que c'est un acquis de la civilisation et donc propre uniquement à l'homme. Les animaux aussi peuvent s'accoupler pour le plaisir et le font d'ailleurs. Est-ce par simple ignorance ou absence de préjugés, mais les comportements homosexuels existent parmi eux et ne donnent, bien sûr, pas de progéniture. Même dans les rapports hétérosexuels, on observe chez certaines espèces une répétition et une persistance du coït qui peut en faire pâlir certains messieurs.

Pour en venir au fond, comment précisément la publicité influe-t-elle sur le comportement des filles? Voyant l'effet que la publicité peut avoir sur les garçons, les filles commencent à se poser des questions sur les rapports qu'elles entretiennent avec leur corps. Peut-on se mettre en valeur en se dévoilant et faut-il le faire? Pourquoi les garçons sont-ils si agités, si excités, quand ils voient une femme poser en sous-vêtements? Petit à petit, les filles arrivent à vaincre leur appréhension de la nudité, mais pas pour les bonnes raisons. Car ce n'est pas pour défendre une idée de l'état naturel du corps, mais parce qu'elles rêvent de se faire valoriser à travers leur physique, et faire s'agiter les garçons autour d'elles. Cela est parfaitement narcissique. Qu'importe, c'est beaucoup plus facile que de faire des efforts pour paraître intelligente! Qui plus est, les hommes semblent avoir peur des filles intelligentes et puis ça fait mouche. Ainsi, très tôt, elles sont tiraillées entre leur image de fille vierge et inaccessible d'un côté, et le désir de soumettre les garçons à leur volonté par la beauté de leur corps d'un autre côté. C'est ce comportement qui mène au développement du caractère pervers dans la nature féminine. L'envie de briser l'image d'icône qui les entrave comme un carcan et de se libérer à travers leur corps donne naissance, chez elles, à des fantasmes de caratère pervers. Leur comportement devient plus impulsif, instinctif, animal. C'est justement la fonction du cerveau reptilien - la publicité a touché sa cible! Et ce n'est pas franchement une évolution que de les faire se rétracter de la raison. A partir de là, le comportement des filles est inconsciemment, pour elles, influencé par le conditionnement dont elles ont été victimes.

Chez les garçons, le processus est similaire, avec des différences. Dans les poses plus ou moins suggestives, voire provocantes, que les photographes demandent aux mannequins, ils préfèrent voir un "sex appel". Ils s'imaginent être seuls face à la fille qui pose et ce qui pourrait s'en suivre. Si une fille est presque entièrement dévêtue devant un garçon, c'est qu'elle veut coucher avec lui. Les garçons ne voient donc pas cela comme un simple jeu de séduction qu'une fille peut adresser à toute une foule, sans pour autant vouloir coucher avec tout le monde, mais le considèrent plutôt comme une provocation et chacun d'eux s'imagine en être personnellement la cible. La facilité et la naïveté avec laquelle une fille peut leur sembler vouloir se dévêtir, l'exubérance et la beauté de son corps et du produit qui est fait pour séduire, leur font imaginer que toute cette générosité est destinée à chacun d'eux personnellement et que la fille serait prête à le faire uniquement pour eux parce qu'ils le méritent, et que tout le reste est sans importance. Pas de séduction, si ce n'est celle du corps, pas de déclaration, pas de longues périodes de mise à l'épreuve de l'amitié. Même pas besoin de vraiment se connaître l'un l'autre, tout est réduit au strict minimum et on va à l'essentiel - l'amour. La femme idéale, pour eux, devient celle qui serait prête à les prendre tels qu'ils sont parce qu'ils sont comme ils sont et sans conditions. Elle est là pour satisfaire à leurs fantasmes les plus fous. Juste un corps sublime animé d'une volonté généreuse et bienveillante à leur égard, presque maternelle, capable de se sacrifier au nom de l'amour pour eux. Si elle leur montre sa nudité, c'est qu'elle ne souhaite pas elle-même aucune complication, seul du plaisir sexuel. Là aussi, le produit arrive à faire rêver la cible. Mais ce n'est pas tout. Qui dit relation sexuelle en dehors de tout engagement et juste pour le plaisir, dit perversion. C'est d'ailleurs un comportement de consommateur que de rechercher le plaisir sans prendre aucune responsabilité. C'est ce que les professionnels attendent de nous et nous sommes sensés consommer sans réfléchir. Les garçons développent ainsi, peu à peu, l'impression de posséder la fille, d'avoir un pouvoir sur elle, et pour se le prouver, ils décident d'avilir toute cette beauté qui s'offre si généreusement et chaleureusement uniquement à eux. Ils imaginent alors lui faire faire des choses un peu déguelasses. Au début, ça ne les emballe pas trop. Ils se disent que la fille est intelligente, elle ne sera pas consentante et tout foirera. En dehors des cas de personnes en difficultés mentales qui sans hésiter pensent que la solution serait de forcer un peu et que ça coulera de source après parce que la fille n'aura pas d'autre choix, et que ça sera trop tard de toute façon, l'imagination des autres arrive à créer une simplification d'une manière ou d'une autre. Et si la fille était consentante en plus d'être intelligente, ce serait le pied ! De là à imaginer que la fille prendra forcément du plaisir à leur sale petit jeu, il n'y a qu'un pas et ils le franchissent comme des gorets qui pataugent dans la fange ! Les garçons sont alors à la recherche des filles les plus belles, les plus propres sur elles et même si possible intelligentes, pour avilir leur image. Les filles cherchent justement à faire briser leur image lisse et impeccable pour se libérer de ce qu'elles ressentent comme un carcan. Toutes les conditions sont réunies afin que filles et garçons se retrouvent sur leur perversion. Après s'y être complus en solitaire, ils vont y consentir mutuellement pour qu'il se passe enfin quelque chose. Ainsi, la majorité des relations sont basées sur l'acceptation de la perversion de l'autre. Du moins, dans la mesure du "tolérable", et là il n'y a pas vraiment de limites. Tout dépend de la personnalité de chacun.

La preversion dans les rapports homme-femme est conditionnée par les médias, comme nous venons de le voir, mais également par l'art cinématographique qui a su nous imposer un modèle très masculin. Les protagonistes principaux du film type, qui véhiculent des valeurs positives, couchent ensemble avant même qu'ils se connaissent vraiment et sans qu'il y ait un engagement quelconque entre eux. Beaucoup de gens sont ainsi persuadées que c'est de cette façon que cela doit se passer dans leur vie et que c'est même mieux. Pourquoi l'engagement est-il aussi important dans une relation pour éviter les rapports pervers. Une relation "libre" laisse toujours imaginer l'autre comme un objet, un objet sexuel, ce qui nous renvoie à l'image de l'affiche. Ceux qui prétendent pratiquer la "liberté sexuelle" mettent, en réalité, en jeu leur image positive ou celle de l'autre pour obtenir du plaisir en l'avilissant. La perversion sexuelle même est la polarisation de l'esprit entre deux états opposés, l'un correspondant à l'image sublime que l'on se donne en société ou que l'on accorde à son partenaire et l'autre état est celui où on s'avilit soi-même ou son partenaire. En général, ce sont les filles qui subissent l'avilissement. A partir de là, l'esprit cherche à s'arranger pour créer une situation, réelle ou imaginaire, dans laquelle il se produira une jonction, une connexion, entre les deux états. La décharge emotionnelle qui en résulte procure un plaisir très intense du fait de la forte polarisation et qui ne peut être atteint dans d'autres circonstances. C'est la recherche consciente de ce plaisir qui rend pervers. Accepter la perversion est donc une sorte de contrat que l'on passe avec le côté "maléfique" de sa personnalité (sans rentrer dans aucune considération religieuse) en abandonnant toutes les valeurs auxquelles on croyait auparavant (amour, prince charmant, mariage, virginité, la "moitié" de sa vie) et ce pour obtenir un plaisir beaucoup plus intense. On abandonne des valeurs éternelles pour gagner du fugace. On mise en quelque sorte sa virginité contre des sensations fortes. Et dans la plupart des cas c'est un échec. Car la personne qu'on choisit dans ces circonstances est à la recherche de la même chose, or c'est une recherche égoïste. L'autre ne pense pas forcément à nous en ce moment, mais à son propre plaisir. Les gens pervers sont en général de très forts individualistes. La virginité n'étant pas, bien sûr, uniquement physique (c'est aussi la conscience de l'image positive et lisse dont on bénéficie en société *), on est donc prêt(e) à recommencer. Dans une relation "libre", c'est cette virginité idéelle que l'on mise, d'où le caractère pervers de ce type de relations. Au fait, est-elle vraiment "libre" puisqu'on considère l'autre comme un objet sexuel, un moyen de satisfaire à ses fantasmes, mais aussi on devient un "esclave" de ses désirs et de son corps ?

Au contraire, lorsqu'on s'engage avec quelqu'un c'est une relation basée sur l'amitié et le respect mutuel. Il n'y a rien de mieux pour s'en assurer que de mettre la relation à l'épreuve du temps. Les qualités personnelles de votre ami(e) compteront alors énormément. Patience, persévérence, aptitude à écouter et à comprendre l'autre, gentillesse et humanité, autant de qualités qui peuvent changer votre vie dans le bon sens. Lorsqu'on conçoit une relation dans le long terme, la perversion s'en trouve exclue, en principe, mais il faut prendre quelques précautions. D'abord, il faut être conscient du fait que beaucoup s'orientent vers des relations de longue durée uniquement parce que c'est un schéma de société qui rassure et qu'ils tentent de reproduire sans véritablement en comprendre le sens, les enjeux, les conséquences et sans être capables de les assumer. D'autres s'imaginent que c'est une manière de pouvoir satisfaire à leur envie sexuelle pour toute une vie ou pour les quelques années à venir, ou alors juste pour se donner une image de bon père ou bonne mère de famille. Leur caractère étant, dans bien de cas, fondamentalement pervers, c'est un moyen pour eux de se rendre discrêts, car ils ont peur du regard et du jugement des autres, mais ils se renderont rapidement compte que ce qui les attire davantage est ce qu'ils ne possèdent pas. Leur relation en souffrira puisqu'elle est basée essentiellement sur la sexualité ou alors c'est juste par nécessité de se protéger derrière la structure familiale, donc une vie qui ne les enthousiasme pas vraiment. Leur partenaire ne leur procure plus du plaisir ce qui les rend nerveux et désorientés ou absents. La vie sexuelle en couple s'étiole et ils se sentent fatalement attirés par d'autres personnes, le principe étant toujours le même, avilir l'image positive que véhicule l'autre ou accepter de se faire avilir. Ainsi, un homme marié et pervers trompera à coup sûr sa femme n'étant pas satisfait sexuellement d'elle et pourrait même tenter de l'entraîner dans ses délires pervers soi-disant pour pimenter ou pour sauver la vie de couple. Son épouse pourrait accepter de jouer le jeu croyant que c'est sans doute la seule solution. Il n'est pas certain que le fait d'être conscient(e) de sa propre perversion suffise pour y renoncer. Elle a le même effet que la drogue sauf que celle-ci est sécrétée par notre propre organisme, notamment le cerveau. Sachant cela, le meilleur moyen consiste sans doute à ne jamais accepter de la laisser entrer dans notre vie et à ne jamais faire confiance à quelqu'un que l'on connaît être pervers.

La nudité est loin d'être en cause, c'est la manière dont les publicitaires la mettent en images et qui sert les intérêts des marchands. Ils transforment ce que les femmes prennent pour un jeu de séduction en argument de vente et, par-là même, celles qui croient jouer deviennent jouets. Ce sont des femmes présentées comme des objets de désir, de plaisir et sexuels. Cependant, les femmes n'en sont pas les seules victimes, mais les principales sans doute. Cette société développée que l'on croit riche est en pleine décadence. Et là où la morale baisse en addition de la pauvreté qui s'installe, surtout chez une population fragile qui est celle des jeunes, commencent à frapper les fléaux des pays pauvres. Bientôt, il ne resteront que les vitrines. La natalité diminue, les gens sont privés de repères. Qui croit encore au mythe de la réussite du capitalisme libéral, et que nous pourrons nous épanouir dans une société à la logique marchande? C'est le miroir aux alouettes. Et les jeunes sont comme les papillons de nuit qui viennent s'échouer contre le globe de verre d'un lampadaire croyant avoir trouvé un chemin qui leur fera découvrir le jour, enfin!

juin 2005


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* Dans les années '80, Madonna chantait "Like a Virgin" justement pour cette raison. "Just like for the very first time", vous vous souvenez?