Le
miroir aux alouettes
par Daniel Milev
Qui
n'a pas rêvé un jour d'être tout(e) nu(e) en
public et d'en avoir eu très honte? Les enfants sont
naturellement assez pudiques lorsqu'ils ont eu pour modèles des
parents qui le sont également ou s'ils vivent dans un pays
où la nudité est proscrite sur les affiches
publicitaires. Dans nos sociétés
développées, il est désormais difficile
d'expliquer à un(e) enfant que l'on ne doit pas se montrer
tout(e) nu(e) devant des invités lorsqu'on est à la
maison. La faute aux publicitaires qui n'hésitent pas
à jouer sur l'érotisme pour satisfaire aux exigences
de rentabilité (retour de l'investissement) des marchands.
Difficile d'expliquer pourquoi ces femmes de l'affiche acceptent-elles
de dévoiler leur corps ainsi? La réponse qu'un adulte
apporterait en général à cette question c'est
qu'elles le font pour de l'argent. Mais cela ne fait que soulever de
nouveaux questionnements chez l'enfant : comment est-ce possible
d'échanger de la honte contre de l'argent? Qui plus est,
l'argent sera gaspillé, les images, elles, resteront! Et
pourquoi présenter un produit qui n'est même pas
à elle? Elle ne gagne rien sur sa vente? Voilà une
occasion pour nos bienveillants parents ou amis de nous inculquer
l'idée de l'importance de l'argent et que contre une somme
convenable on peut accepter de faire beaucoup de choses et pour le
compte d'autres gens.
Le problème n'est bien sûr pas dans la nudité
elle-même. Pas non plus dans le fait qu'on nous a appris
à porter des vêtements depuis tout petits et ce
même lorsqu'on est au lit, pour des questions d'hygiène.
Les sous-vêtements sont devenus une extension à notre
corps, une seconde peau qui cache nos parties intimes ou "honteuses",
selon la morale chrétienne. Les nudistes ont réappris
à être nus en la compagnie de ceux qui partagent leurs
points de vue. Le nudisme était pratiqué depuis des
siècles, à des époques diverses, sous les formes
les plus variées. C'est loin d'être un
phénomène nouveau. Il n'y a donc aucune raison de croire
que la nudité en elle-même soit quelque chose de
négatif, mais c'est sans doute la manière de la mettre en
images qui peut tout changer. Les publicitaires le savent depuis
longtemps, eux, pour qui l'objectif principal consiste à
déclencher une impulsion d'achat. Impulsion, impulsivité,
consommation et perversion. Cependant, ils ne sont pas les seuls
responsables pour le déclenchement de cette chaîne de la
consommation qui, au nom de la logique commerciale, marque le pas de
nos vies sans que nous en soyons véritablement conscients.
L'industrie du sexe a su en tirer aussi largement profit et porte une
grande part de responsabilité. La perversion est-elle voulue, un
résultat recherché, espéré, ou est-ce
simplement le fruit du hasard, une conséquence inattendue et
fâcheuse dont on ne s'embarrasse pas tellement d'ailleurs ? Dans
cet article nous nous contenterons de décrire uniquement les
mécanismes par lesquels se construit cette preversion qui a su
gagner une très large partie de la population mondiale. En
témoignent les effusions d'images et de films à contenu
pornographique sur Internet, ainsi que la forte demande, et c'est sans
parler des blagues à connotation sexuelle qui se racontent entre
amis de tout temps.
Une publicité de lingerie qui était récemment
à l'affiche montrait une jeune et jolie femme en
sous-vêtements, allongée, avec le slogan publicitaire
suivant : "A ce prix c'est encore plus sexy"! Bien sûr, il
s'agit de vanter les mérites du produit qui est non seulement
de bonne qualité, mais aussi bon marché. A priori rien
d'anormal donc. C'est une pub parmi tant d'autres qu'on aurait pu
découvrir dans une brochure ou sur n'importe quel autre support.
Il n'y a pas non plus une raison particulière de saisir cet
exemple-là plutôt qu'un autre. Alors, regardons cela d'un
peu plus près!
L'un
des objectifs principaux du marketing consiste à
déclencher une impulsion d'achat, comme nous venons de le faire
remarquer. Cela est notamment le cas lorsqu'on souhaite faire la
promotion d'un nouveau produit ou juste pour relancer des ventes qui
stagnent. Concrètement, il s'agit de faire rêver les
cibles (clients) potentiels à travers le produit. Dans notre
exemple, il y a une mise en valeur mutuelle entre le produit et la
femme qui le porte. La femme représente la jeunesse, la
fraîcheur, la beauté, et elle gagne en charme, en
séduction, grâce au produit. Tout cela a l'air normal et
anodin. Pourtant, ce n'est pas le cas. Nous allons tenter d'en apporter
une explication.
Il est extrêmement important d'être capable de mettre un
nom, un mot, sur chaque sentiment ou intuition que nous avons, dans
une situation particulière. Car ceci nous permet de nous en
souvenir. De plus, si le mot est juste, nous arrivons à mieux
comprendre les choses puisqu'à ce moment nous sommes dans la
mesure d'intégrer la nouvelle idée dans un réseau
logique de définitions que nous avons déjà
créé de par notre culture. Il ne s'agit pas
forcément d'inventer un nouveau mot, mais juste d'attribuer
un nouveau sens à une notion déjà connue. Ce sont
les relations, les rapports, existant entre les différents
éléments de ce réseau de définitions qui
nous premetteront de mieux situer la nouveauté. Nous allons donc
tenter d'apporter les mots les plus justes pour faire prendre
véritablement conscience de certaines choses que beaucoup
d'entre nous ont plus ou moins bien ressenti à divers moments
de leur vie, mais qui n'ont pas entièrement émergé
dans la conscience et, de ce fait, se sont retrouvées
occultées par elle comme étant inutiles.
Comment amener donc des gens parfaitement conscients, en pleine
possession de leurs capacités intellectuelles à
avoir un comportement impulsif (passage direct du préconscient
à l'action en court-circuitant la conscience)? Pour le savoir,
il faut d'abord se demander s'il n'existe pas un processus mental qui
nous permet d'agir sans utiliser la réflexion. La
réponse est : "Oui". Un tel processus existe et il nous est
même indispensable. Il ne s'agit pas du fonctionnement des
organes qui est parfaitement inconscient et vital. Cela relève
plutôt de la physiologie et des processus innés,
transmissibles génétiquement. Le processus qui nous
intéresse a davantage rapport à la psychologie, car il
est issu de l'acquis, que ce soit par l'imitation, en
s'entraînant (par la répétition), ou par un
besoin d'adaptation. Ainsi, nous avons appris à marcher,
à faire des dizaines de gestes de la vie quotidienne plus ou
moins inconsciemment. En réalité, si nous devions penser
sans cesse à ces tâches, notre conscience risquerait de
s'en trouver presqu'entièrement encombrée et donc ceci
pourrait nous empêcher de réfléchir, voire de
parler. Or, si notre nature a particulièrement
prêté attention à la réflexion, c'est
qu'elle est indispensable à notre survie et à notre
évolution. Cependant, si on est capables d'acquérir
certaines choses par nous-mêmes, ne peut-on pas nous en
inculquer d'autres en utilisant le même processus? Bien
sûr que oui! On peut s'en servir pour l'enseignement et
l'apprentissage. Mais, on peut aussi s'en servir pour autre chose.
C'est une histoire qui se répète sans fin. D'abord,
quelqu'un réalise une découverte scientifique,
ensuite des gens soucieux de gagner de l'argent
réfléchissent comment on pourrait utiliser la
découverte pour que cela rapporte. C'est bien la logique
commerciale qui est toujours à la base de ce
détournement.
Voici de quoi il s'agit. Dans notre cerveau, les spécialistes
distinguent trois types différents dont le plus primitif est
appelé "cerveau reptilien". Il est le siège des
apprentissages inconscients et l'apprentissage qui s'y opère est
appelé "conditionnement". Le conditionnement est donc la
pratique qui consiste à s'adresser, à "parler", au
cerveau reptilien. Il se trouve que ce dernier est également le
siège des instincts et des réflexes innés. Sachant
cela, il ne reste qu'à découvrir les techniques
necessaires pour conditionner les gens à avoir un comportement
que l'on souhaite qu'ils aient. C'est ce que les publicitaires ont
réussi à faire. Et pas uniquement eux. Une des
méthodes pour conditionner est la répétition. Mais
ce n'est pas très subtil. Une des plus puissantes, consiste
à utiliser des images auxquelles peut s'attacher un message
écrit. Ainsi, par exemple, la simple vue d'un tableau de peintre
permet d'atteindre les zones inconscientes de l'esprit. On peut
même dire que la qualité d'une œuvre, et donc le talent
d'un artiste, dépend de sa capacité à traverser la
conscience, atteindre notre inconscient et en ramener des choses dont
on prend subitement conscience. C'est le message du peintre
adressé à nous et c'est souvent un moment de
révélation. Il est certain qu'un état d'esprit
particulier et propice peut largement favoriser ce déclic.
Voilà pourquoi les publicitaires se servent tellement d'images.
La différence avec l'art, c'est que leur but est de rendre le
message inconscient et ce le plus longtemps possible. De cette
manière, les commerçants peuvent espérer que
lorsque nous verrons leurs produits sur une vitrine, nous aurons
spontanément envie d'acheter croyant à un simple coup
de cœur. Les femmes semblent être particulièrement
sensibles à ce type de conditionnement.
Les hommes et les femmes ne voient pas les mêmes choses. Face
à une affiche, comme celle de l'exemple cité, nous
n'avons pas tous les mêmes réactions. Au plus jeune
âge, la question du pourquoi cette femme a-t-elle accepté
de se faire photographier presqu'entièrement
dévêtue et exposer son image à la vue de tous ne
reçoit pas une réponse équivalente. Les filles
développent
depuis le plus jeune âge une coquetterie qui leur
est propre et qui détermine leur rôle de
séductrices, à savoir mettre en évidence les
avantages de leur physique. Elles se maquillent par imitation des
plus grandes, elles dansent, elles bougent beaucoup en jouant de leur
corps. Elles ont la conscience de l'attrait, du magnétisme, de
leur apparence. Cette logique se poursuit jusqu'à l'adolescence
et au-delà avec bien de variations, des hauts et des bas. Face
à une affiche et en la présence des garçons, les
filles sont au début un peu intimidées,
gênées, comme si quelqu'un les avait trahies en
dévoilant leur intimité contre leur gré. Mais au
fil du temps, elles se rendent compte que le corps féminin
plaît aux garçons. Lorsqu'elles ont la chance de
constater, en se comparant aux mannequins à la mode, qu'elles
n'ont pas ou peu à leur envier physiquement, le désir
intime de se valoriser à travers leur corps en le
dévoilant les gagne entièrement. Pour les filles, ce
serait vraiment réaliser un rêve secret que d'avoir une
occasion de montrer leur physique avantageux au plus grand nombre.
Elles veulent conquérir les cœurs des gens, des hommes, par la
beauté que la nature leur a offert. Cependant, elles ne
voudraient pas qu'on les considère comme des filles
"légères" et "faciles", d'où également leur
réticence à voir quelque chose de malsain dans ces images
publicitaires.
Les garçons, eux, préfèrent voir les choses
autrement. Voyons, ça les arrangerait bien de croire que les
filles sont prêtes à se déshabiller pour un rien!
Mais nous parlerons plus en détail sur le comportement des
hommes par la suite.
La vérité est-elle quelque part au milieu? Difficile
à dire. Néanmoins, une chose est certaine, l'effet de
ce genre de publicité est néfaste à long terme
aussi bien pour les uns que pour les autres. La raison de cet
état de fait n'est pas là où on la cherche.
Dans le cas des publicités par voie d'affichage, mais c'est
également le cas de la télé et des autres
médias, il y a un double effet de conditionnement qui se
cumule. D'abord, c'est l'image qui traverse la conscience et ensuite
c'est la répétition à longueur d'année
d'images similaires qui communiquent exclusivement sur
l'érotisme. En quoi consiste cet effet et comment influe-t-il
sur notre comportement? Et bien, figurez-vous que 
ces publicités arrivent
à faire rêver aussi biens les filles que les
garçons. Les filles parce qu'elles aimeraient avoir le
même corps que la femme qui pose, et lorsqu'elles le
possèdent, elles rêvent d'avoir une occasion de le montrer
tout en imaginant l'ahurissement que cela provoquerait chez les autres.
Les garçons, parce qu'ils aimeraient que leur amie soit comme
celle de l'affiche. Ce qui peut paraître normal à beaucoup
comme faisant partie de la séduction ne l'est pas
véritablement. Souvenez-vous, lorsqu'on est enfant, on est
plutôt pudique ! Ce côté légèrement
"exhibitionniste" en société s'acquiert justement par le
conditionnement publicitaire et c'est loin d'être sain ! En
effet, comme nous l'avons déjà dit, ce n'est pas la
nudité elle-même qui est en cause, mais sa mise en
scène. Pour inciter à l'achat, il faut réveiller
des instincts enfouis dans l'inconscient. L'instinct de reproduction y
est logé quelque part, mais la nature a su le détourner
en désir de relations sexuelles, d'accouplement. C'est le cas
chez les primates et chez d'autres mammifères, contrairement aux
mensonges véhiculés par certains qui veulent nous faire
croire que c'est un acquis de la civilisation et donc propre uniquement
à l'homme. Les animaux aussi peuvent s'accoupler pour le plaisir
et le font d'ailleurs. Est-ce par simple ignorance ou absence de
préjugés, mais les comportements homosexuels existent
parmi eux et ne donnent, bien sûr, pas de progéniture.
Même dans les rapports hétérosexuels, on observe
chez certaines espèces une répétition et une
persistance du coït qui peut en faire pâlir certains
messieurs.
Pour en venir au fond, comment précisément la
publicité influe-t-elle sur le comportement des filles? Voyant
l'effet que la publicité peut avoir sur les garçons, les
filles commencent à se poser des questions sur les rapports
qu'elles entretiennent avec leur corps. Peut-on se mettre en valeur en
se dévoilant et faut-il le faire? Pourquoi les garçons
sont-ils si agités, si excités, quand ils voient une
femme poser en sous-vêtements? Petit à petit, les filles
arrivent à vaincre leur appréhension de la nudité,
mais pas pour les bonnes raisons. Car ce n'est pas pour défendre
une idée de l'état naturel du corps, mais parce qu'elles
rêvent de se faire valoriser à travers leur physique, et
faire s'agiter les garçons autour d'elles. Cela est parfaitement
narcissique. Qu'importe, c'est beaucoup plus facile que de faire des
efforts pour paraître intelligente! Qui plus est, les hommes
semblent avoir peur des filles intelligentes et puis ça fait
mouche. Ainsi, très tôt, elles sont tiraillées
entre leur image de fille vierge et inaccessible d'un
côté, et le désir de soumettre les garçons
à leur volonté par la beauté de leur corps d'un
autre côté. C'est ce comportement qui mène au
développement du caractère pervers dans la nature
féminine. L'envie de briser l'image d'icône qui les
entrave comme un carcan et de se libérer à travers leur
corps donne naissance, chez elles, à des fantasmes de
caratère pervers. Leur comportement devient plus impulsif,
instinctif, animal. C'est justement la fonction du cerveau reptilien -
la publicité a touché sa cible! Et ce n'est pas
franchement une évolution que de les faire se rétracter
de la raison. A partir de là, le comportement des filles est
inconsciemment, pour elles, influencé par le conditionnement
dont elles ont été victimes.
Chez les garçons, le processus est similaire, avec des
différences. Dans les poses plus ou moins
suggestives, voire provocantes,
que les photographes demandent aux mannequins, ils
préfèrent voir un "sex appel". Ils s'imaginent
être seuls face à la fille qui pose et ce qui pourrait
s'en suivre. Si une fille est presque entièrement
dévêtue devant un garçon, c'est qu'elle veut
coucher avec lui. Les garçons ne voient donc pas cela comme
un simple jeu de séduction qu'une fille peut adresser
à toute une foule, sans pour autant vouloir coucher avec tout le
monde, mais le considèrent plutôt comme une provocation et
chacun d'eux s'imagine en être personnellement la cible. La
facilité et la naïveté avec laquelle une fille peut
leur sembler vouloir se dévêtir, l'exubérance et la
beauté de son corps et du produit qui est fait pour
séduire, leur font imaginer que toute cette
générosité est destinée à chacun
d'eux personnellement et que la fille serait prête à le
faire uniquement pour eux parce qu'ils le méritent, et que tout
le reste est sans importance. Pas de séduction, si ce n'est
celle du corps, pas de déclaration, pas de longues
périodes de mise à l'épreuve
de l'amitié. Même
pas besoin de vraiment se connaître l'un l'autre, tout est
réduit au strict minimum et on va à l'essentiel -
l'amour. La femme idéale, pour eux, devient celle qui serait
prête à les prendre tels qu'ils sont parce qu'ils sont
comme ils sont et sans conditions. Elle est là pour satisfaire
à leurs fantasmes les plus fous. Juste un corps sublime
animé d'une volonté généreuse et
bienveillante à leur égard, presque maternelle, capable
de se sacrifier au nom de l'amour pour eux. Si elle leur montre sa
nudité, c'est qu'elle ne souhaite pas elle-même aucune
complication, seul du plaisir sexuel. Là aussi, le produit
arrive à faire rêver la cible. Mais ce n'est pas tout.
Qui dit relation sexuelle en dehors de tout engagement et juste pour
le plaisir, dit perversion. C'est d'ailleurs un comportement de
consommateur que de rechercher le plaisir sans prendre aucune
responsabilité. C'est ce que les professionnels attendent
de nous et nous sommes sensés consommer sans
réfléchir. Les garçons développent ainsi,
peu à peu, l'impression de posséder la fille, d'avoir un
pouvoir sur elle, et pour se le prouver, ils décident d'avilir
toute cette beauté qui s'offre si généreusement
et chaleureusement uniquement à eux. Ils imaginent alors lui
faire faire des choses un peu déguelasses. Au début,
ça ne les emballe pas trop. Ils se disent que la fille est
intelligente, elle ne sera pas consentante et tout foirera. En
dehors des cas de personnes en difficultés mentales qui
sans hésiter pensent que la solution serait de forcer un peu
et que ça coulera de source après parce que la fille
n'aura pas d'autre choix, et que ça sera trop tard de toute
façon, l'imagination des autres arrive à créer
une simplification d'une manière ou d'une autre. Et si la
fille était consentante en plus d'être intelligente,
ce serait le pied ! De là à imaginer que la fille
prendra forcément du plaisir à leur sale petit jeu,
il n'y a qu'un pas et ils le franchissent comme des gorets qui
pataugent dans la fange ! Les garçons sont alors à la
recherche des filles les plus belles, les plus propres sur elles et
même si possible intelligentes, pour avilir leur image. Les
filles cherchent justement à faire briser leur image lisse et
impeccable pour se libérer de ce qu'elles ressentent comme un
carcan. Toutes les conditions sont réunies afin que filles
et garçons se retrouvent sur leur perversion. Après
s'y être complus en solitaire, ils vont y consentir mutuellement
pour qu'il se passe enfin quelque chose. Ainsi, la majorité des
relations sont basées sur l'acceptation de la perversion de
l'autre. Du moins, dans la mesure du "tolérable", et là
il n'y a pas vraiment de limites. Tout dépend de la
personnalité de chacun.
La preversion dans les rapports homme-femme est
conditionnée par les médias, comme nous venons de
le voir, mais également par l'art cinématographique
qui a su nous imposer un modèle
très masculin. Les
protagonistes principaux du film type, qui véhiculent des
valeurs positives, couchent ensemble avant même qu'ils se
connaissent vraiment et sans qu'il y ait un engagement
quelconque entre eux. Beaucoup de gens sont ainsi persuadées
que c'est de cette façon que cela doit se passer dans leur vie
et que c'est même mieux. Pourquoi l'engagement est-il aussi
important dans une relation pour éviter les rapports pervers.
Une relation "libre" laisse toujours imaginer l'autre comme un objet,
un objet sexuel, ce qui nous renvoie à l'image de l'affiche.
Ceux qui prétendent pratiquer la "liberté sexuelle"
mettent, en réalité, en jeu leur image positive ou
celle de l'autre pour obtenir du plaisir en l'avilissant. La
perversion sexuelle même est la polarisation de l'esprit
entre deux états opposés, l'un correspondant à
l'image sublime que l'on se donne en société ou que
l'on accorde à son partenaire et l'autre état est
celui où on s'avilit soi-même ou son partenaire. En
général, ce sont les filles qui subissent
l'avilissement. A partir de là, l'esprit cherche à
s'arranger pour créer une situation, réelle ou
imaginaire, dans laquelle il se produira une jonction, une connexion,
entre les deux états. La décharge emotionnelle qui en
résulte procure un plaisir très intense du fait de la
forte polarisation et qui ne peut être atteint dans d'autres
circonstances. C'est la recherche consciente de ce plaisir qui rend
pervers. Accepter la perversion est donc une sorte de contrat que
l'on passe avec le côté "maléfique" de sa
personnalité (sans rentrer dans aucune
considération religieuse) en abandonnant toutes les valeurs
auxquelles on croyait auparavant (amour, prince charmant, mariage,
virginité, la "moitié" de sa vie) et ce pour obtenir
un plaisir beaucoup plus intense. On abandonne des valeurs
éternelles pour gagner du fugace. On mise en quelque sorte
sa virginité contre des sensations fortes. Et dans la
plupart des cas c'est un échec. Car la personne qu'on
choisit dans ces circonstances est à la recherche de la
même chose, or c'est une recherche égoïste. L'autre
ne pense pas forcément à nous en ce moment, mais à
son propre plaisir. Les gens pervers sont en général de
très forts individualistes. La virginité n'étant
pas, bien sûr, uniquement physique (c'est aussi la conscience de
l'image positive et lisse dont on bénéficie en
société *), on est donc prêt(e) à
recommencer. Dans une relation "libre", c'est cette virginité
idéelle que l'on mise, d'où le caractère pervers
de ce type de relations. Au fait, est-elle vraiment "libre" puisqu'on
considère l'autre comme un objet sexuel, un moyen de satisfaire
à ses fantasmes, mais aussi on devient un "esclave" de ses
désirs et de son corps ?
Au contraire, lorsqu'on s'engage avec quelqu'un c'est une relation
basée sur l'amitié et le respect mutuel. Il n'y a rien
de mieux pour s'en assurer que de mettre la relation à
l'épreuve du temps. Les qualités personnelles de votre
ami(e) compteront alors énormément. Patience,
persévérence, aptitude à écouter et
à comprendre l'autre, gentillesse et humanité, autant
de qualités qui peuvent changer votre vie dans le bon sens.
Lorsqu'on conçoit une relation dans le long terme, la
perversion s'en trouve exclue, en principe, mais il faut prendre
quelques précautions. D'abord, il faut être
conscient
du fait que beaucoup s'orientent vers des relations de longue
durée uniquement parce que c'est un schéma de
société qui rassure et qu'ils tentent de reproduire sans
véritablement en comprendre le sens, les enjeux, les
conséquences et sans être capables de les assumer.
D'autres s'imaginent que c'est une manière de pouvoir satisfaire
à leur envie sexuelle pour toute une vie ou pour les quelques
années à venir, ou alors juste pour se donner une image
de bon père ou bonne mère de famille. Leur
caractère étant, dans bien de cas, fondamentalement
pervers, c'est un moyen pour eux de se rendre discrêts, car
ils ont peur du regard et du jugement des autres, mais ils se
renderont rapidement compte que ce qui les attire davantage est ce
qu'ils ne possèdent pas. Leur relation en souffrira
puisqu'elle est basée essentiellement sur la sexualité
ou alors c'est juste par nécessité de se
protéger derrière la structure familiale, donc une vie
qui ne les enthousiasme pas vraiment. Leur partenaire ne leur procure
plus du plaisir ce qui les rend nerveux et désorientés
ou absents. La vie sexuelle en couple s'étiole et ils se
sentent fatalement attirés par d'autres personnes, le principe
étant toujours le même, avilir l'image positive que
véhicule l'autre ou accepter de se faire avilir. Ainsi, un homme
marié et pervers trompera à coup sûr sa femme
n'étant pas satisfait sexuellement d'elle et pourrait même
tenter de l'entraîner dans ses délires pervers soi-disant
pour pimenter ou pour sauver la vie de couple. Son épouse
pourrait accepter de jouer le jeu croyant que c'est sans doute la seule
solution. Il n'est pas certain que le fait d'être conscient(e) de
sa propre perversion suffise pour y renoncer. Elle a le même
effet que la drogue sauf que celle-ci est sécrétée
par notre propre organisme, notamment le cerveau. Sachant cela, le
meilleur moyen consiste sans doute à ne jamais accepter de la
laisser entrer dans notre vie et à ne jamais faire confiance
à quelqu'un que l'on connaît être pervers.
La nudité est loin d'être en cause, c'est la
manière dont les publicitaires la mettent en images et qui sert
les intérêts des marchands. Ils transforment ce que les
femmes prennent pour un jeu de séduction en argument de vente
et, par-là même, celles qui croient jouer deviennent
jouets. Ce sont des femmes présentées comme des objets
de désir, de plaisir et sexuels. Cependant, les femmes n'en
sont pas les seules victimes, mais les principales sans doute. Cette
société développée que l'on croit riche
est en pleine décadence. Et là où la morale
baisse en addition de la pauvreté qui s'installe, surtout chez
une population fragile qui est celle des jeunes, commencent à
frapper les fléaux des pays pauvres. Bientôt, il ne
resteront que les vitrines. La natalité diminue, les gens sont
privés de repères. Qui croit encore au mythe de la
réussite du capitalisme libéral, et que nous pourrons
nous épanouir dans une société à la
logique marchande? C'est le miroir aux alouettes. Et les jeunes sont
comme les papillons de nuit qui viennent s'échouer contre le
globe de verre d'un lampadaire croyant avoir trouvé un chemin
qui leur fera découvrir le jour, enfin!
juin 2005

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* Dans les années '80, Madonna chantait "Like a Virgin"
justement pour cette raison. "Just like for the very first time", vous
vous souvenez?