Icônes
et liberté

Lors
de l'enfance, on fait les bêtises pour tester les limites de
notre
comportement. Si quelqu'un arrive à nous "mettre un frein", on
ne recommence en général jamais. Mais notre esprit joueur
s'arrange toujours pour ne pas en faire une règle
générale ou, si c'est le cas, pour ne jamais l'appliquer,
car il cherche à expérimenter la même chose dans
les situations les plus diverses. Si on devait mettre un nom sur cette
attitude, ce serait le "chatouillement", car l'enfant en tire un malin
plaisir à l'idée de "repousser le bouchon" encore plus
loin. Alors que dans l'enfance, à proprement parler, on cherche
à tester les limites de son comportement, à l'adolescence
et au début de la majorité, on se lance dans la
redécouverte de son corps après avoir pris conscience de
ses nouvelles fonctionnalités. Il subit des transformations
visibles et marquantes aussi bien pour soi-même que pour notre
entourage et qui nous donnent un nouveau statut social. Chez les
garçons, c'est la musculature qui se développe le plus
visiblement et cela conforte leur statut du "sexe fort" qui peut
désormais exhiber sa puissance. Chez les filles, c'est la
poitrine qui les rend très féminines, même si elle
ne fait pas que des heureuses.
La redécouverte de son corps est accompagnée par
l'imaginaire qu'on développe autour
et les fantasmes sur celui des autres, en général, du
sexe oppposé. Le fantasme ouvre de nouveaux champs d'exploration
qui évoluent et s'enrichissent au fur et à mesure que le
temps passe. Il permet de développer notre propre
érotisme. Par conséquent, la masturbation joue un
rôle très important, car elle structure et conditionne
notre comportement sexuel. Dans un premier temps, elle permet de se
familiariser avec les organes génitaux externes. Tant que la
barrière physique de l'hymen "scelle" l'accès du vagin,
la masturbation chez les filles reste exclusivement clitoridienne. Une
certaine frustration peut en provenir d'autant plus que, quelle que
soit la culture que l'on possède, face à son corps on est
toujours seul(e), et les obstacles d'ordre moral tombent comme des
masques l'un après l'autre. D'un point de vue purement
pragmatique, la question peut se poser tôt ou tard en ces termes:
"Quelle est l'utilité de cet organe qui reste inaccessible?"
Pour les garçons, même si on n'a pas une activité
sexuelle, il existe toujours un "usage" physiologique et vital, les
seules barrières sont alors d'ordre moral. Certaines filles
découvrent à coup sûr l'orgasme clitoridien avant
même d'avoir eu leurs premiers rapports sexuels. L'envie d'aller
au-delà donne naissance aux fantasmes à caractère
sexuel.
Comment choisir le partenaire qui convient? La peur de se tromper peut
dans un premier temps inciter à la prudence. Mais la pression
exercée sur les filles est bien plus grande surtout si elles
sont jolies et/ou
possèdent un corps qui correspond aux "canons de beauté"
en vigueur. Au point où repousser les avances des
garçons(ou des hommes) peut devenir le "sport" favori de
certaines filles pendant quelques années, soit parce qu'elles
croient encore à leur rêve d'enfant(ce qui n'a rien de
mal!) - "se préserver pour son prince charmant", soit parce
qu'elles ne se sentent pas prêtes pour franchir le pas et
attendent de rencontrer quelqu'un de plus expérimenté et
rassurant, soit par pure perversité d'esprit (faire souffrir le
"sexe fort"). Cependant, quelle que soit la cruauté, tôt
ou tard, on rencontre quelqu'un à qui on a envie de
"déclarer sa flamme"... Celles qui s'y ont brûlé
les doigts, car on leur a fait le chantage: "Si tu m'aimes, c'est que
tu veux coucher avec moi!", développent bien souvent l'attitude
préconisée par le "syndicat féminin" dans ce genre
de cas qui consiste à inverser les rôles en se refusant
formellement d'avouer ses sentiments dans ses relations à
l'avenir, et ce quelle que soit la vérité, de peur de ne
pas être amenées à se sentir obligées
d'avoir des relations sexuelles tout en laissant croire qu'elles ne
préfèrent aucun engagement.
L'attraction étrange
que le corps féminin exerce sur les garçons(les hommes)
ainsi que l'image de "vierge inaccessible"(à l'instar de leur
"petit temple") que les filles se donnent en société,
déteignent sur leur propre personnalité à la
longue. Ainsi, on peut succomber soi-même au charme
magnétique de son corps et l'érotisme que la plupart des
filles développent est centré justement sur leur corps.
On entre ainsi dans une sorte de duplicité qui consiste à
entretenir l'image qu'on souhaite se donner en société et
dans son intimité se permettre des escapées "folles" qui
petit à petit tendent à briser le carcan de cette
image-là. Le comportement devient plus impulsif (passage direct
du préconscient à l'action en "court-circuitant" la
conscience), car à la fois on veut entretenir cette image
d'icône à cause de son utilité et de sa
reconnaissance sociale et on se sent prisonnier
de celle-ci. Malheureusement, vouloir se libérer en la brisant
ne signifie nullement que l'on devient libre. En réalité,
on devient de plus en plus dépendant de son désir et de
son corps. C'est se dégager d'une dépendance pour
succomber à une autre, plus ravageuse. Elle peut aller
jusqu'à nous transformer en "esclaves" de notre propre
désir et de notre corps. Le désir intime de céder
à une
impulsion et de se laisser aller, la sensation de la facilité
avec laquelle on peut se débarrasser de la vertu que l'on a
entretenue pendant des années font peur. Mais l'excitation
née de l'idée que cela est possible dans un monde aux
règles simplifiées par l'imagination et la conscience en
fait rapidement un fantasme. Il s'agit-là plus ou moins d'un
fantasme lié à un "interdit", dans la mesure où on
se l'interdit soi-même dans la réalité. Ce genre de
fantasmes sont nourris par la peur et ses effets inhibiteurs sont
anihilés par l'excitation liée à ces fantasmes. Il
s'agit d'un fantasme pervers non seulement parce qu'on en tire du
plaisir en avilissant son rêve et en pensant à une simple
relation purement physique(amour d'ado?), sexuelle et sans lendemain
qui est en totale contradiction avec l'image qu'on véhicule
à l'extérieur, mais aussi parce qu'on souhaite passer
spontanément à l'acte sous l'effet d'une impulsion. La
virginité au sens de la vertu morale entre en conflit avec la
virginité physique que l'on a tendance à relativiser
alors à travers des considérations d'ordre
physiologiques (anatomiques) plus "mécanistes" que spirituelles.
Pour s'arranger avec sa conscience, on peut justifier son laisser-aller
par les années d'abstinence, mais c'est se servir de son
intelligence pour se mentir à soi-même, mettre des
œillères et refuser de voir la réalité en face
sur sa perversion. Oui, des personnes très intelligentes peuvent
y succomber aussi, il suffit qu'elles en fassent le choix plus ou moins
consciemment ! Perversion et intelligence ne sont pas incompatibles. La
grande difficulté de lutter contre ce genre de comportements
provient justement du fait qu'on détourne son intellect pour
leur trouver une justification. Etre conscient de son intelligence et
de l'image positive dont on bénéficie en
société peuvent devenir alors des arguments pour estimer
"pouvoir se permettre" des "petits écarts" de comportement. Ne
dit-on pas que les petits écarts font les grands défauts
?
Les circonstances et les personnes de circonstances pourraient parfois
favoriser le passage à l'acte impulsif.
Le problème vient
en grande partie du fait que face à ses fantasmes et à
son érotisme on est seul et que c'est quelque chose qui devrait
rester dans le domaine de l'intime. Il n'y a donc personne pour nous
mettre en garde lorsqu'on s'apprête à commettre une
bêtise. Confier ses fantasmes et sa sexualité dans le but
de recevoir un conseil c'est prendre le risque d'être victime de
la perversité de l'autre. Le fait d'être conscient de
l'existence de la perversion dans ce genre de fantasmes peut ne pas
suffire pour empêcher de commettre l'irréparable. Ce dont
on devrait être conscient ce sont les conséquences de ce
type de comportements sur notre milieu amical. Le respect que les
autres nous portent dépend pour beaucoup de l'idée qu'ils
se font du respect que nous portons à nous-mêmes. Avoir un
comportement pervers ou impulsif donne une image très
négative de soi, qui est à l'opposé de celle qu'on
a toujours entretenue avant. S'avilir en acceptant de coucher avec un
homme qui semble être exactement le contraire de ce qu'on est n'a
rien de glorieux pour une jeune et belle femme qui est sensée
avoir du respect pour elle-même. Cela a l'air d'un cliché,
mais c'est ainsi que les gens perçoivent les choses. Et c'est
sans parler du fait que cet homme pourrait s'enhardir pour inciter
d'autres jeunes femmes à céder à ses propositions
scabreuses.
Si la masturbation permet
d'éviter de vivre ses fantasmes les plus pervers, elle doit
occuper une place plus importante dans la culture sexuelle de chacun de
nous. Or, dans notre société, on nous fait culpabiliser,
que ce soit par le biais de la religion ou à travers de produits
marketing qui font gagner chaque année des milliards de dollars
à l'industrie du sexe comme la "liberté sexuelle". Cette
idée, venue à l'origine du mouvement des hippies qui
s'insurgeaient contre la société de consommation, a
été pervertie rapidement par des gens qui se sont rendus
compte combien ça pouvait leur rapporter. Aujourd'hui, leur
idée est devenue justement un produit de consommation. Dans un
monde où le sexe et l'érotisme sont une marchandise, il
n'y a que les naïfs pour croire à cette utopie. Le fait
d'adhérer à l'idée de "liberté sexuelle",
dans les conditions actuelles, signifie travailler pour le maintien de
cette industrie ignoble. On incite ainsi les jeunes à avoir des
relations sexuelles le plus tôt possible, avant qu'ils aient
atteint la maturité intellectuelle ou la maturité tout
court pour les manipuler plus facilement et en les faisant culpabiliser
de se masturber. La "liberté sexuelle" est comme le communisme.
C'est une belle idée, dans la mesure où elle bouscule le
conformisme des gens et permet une remise en cause, mais dans son
application actuelle, elle ne peut mener qu'à la misère
humaine et à la déchéance. Il faudrait donc
trouver un moyen plus adapté à la situation actuelle et
qui ne fasse pas le jeu des marchands de plaisir de tout poil. 80% des
recherches sur Internet concernent le sexe; le propriétaire d'un
site de photos amateur qui y mettait ses amies nues "pour une
bouchée de pain" gagnait en moyenne 2.000€ par jour! lorsque
l'intérêt pour la photo amateur explosait sur
le net. Ces chiffres devraient donner une idée plus
concrète du bénéfice économique que tirent
ces salauds qui assujettissent le corps par l'argent au nom de la
"libération sexuelle". Accepter de rentrer dans leur jeu
signifie devenir leur complice. Et eux, ils comptent beaucoup sur ceux
et celles d'entre nous qui se montreront sensibles à de belles
paroles comme "liberté" pour recruter sous pretexte de
défendre une certaine intelligence et une forme de
revendication. En croyant faire survivre une belle idée
anticonformiste et anti-consumériste, on transforme son propre
corps et ses relations en produits de consommation et on maintient un
système aberrant. La recherche même du simple plaisir, en
dehors de tout engagement et de toute responsabilité, est une
démarche de consommateur et révèle un certain
degré avancé de conditionnement de l'esprit. Parler de
"liberté sexuelle" en tant que réalité issue de la
conquête d'une "révolution sexuelle" relève de la
pornographie et de la prostitution intellectuelles qui visent à
manipuler les jeunes déboussolés dans une
société qui a fait éclater la cellule familiale et
qui pratique la discrimination à l'embauche à leur
égard. On leur donne une poignée
de sous dans la main pour leur faire croire à une
indépendance financière et pour les abuser plus
facilement.
Des journalistes perspicaces
avaient demandé à un réalisateur de films pornos
sur un bateau de luxe à Cannes: "Qu'est-ce qui est
obscène
selon vous?" La réponse fut: "L'argent." Oui, cela est vrai,
mais c'est une vérité qui en cache une autre, car
n'est-ce
pas au nom de l'argent que ces réalisateurs travaillent ? Ils
vous diront que non. Croyez qui vous voulez ! Le jour où les
gens
arrêteront de donner de l'argent pour le sexe, on enlèvera
vraiment les chaînes qui entravent le corps de la femme. Mais
celui-ci n'est pas près d'arriver et les femmes ne sont pas
encore engagées dans un combat efficace contre la tyranie du
"sexe fort" et du pouvoir de l'argent. Pour s'en affranchir, il faut
refuser tout ce qui est payant lié au plaisir sexuel et qui tend
à le transformer en marchandise. Et pour cela, les femmes
doivent trouver des alliés parmi les hommes, sinon c'est un
combat perdu d'avance, car il opposera toujours l'un des sexes à
l'autre. Refuser d'avoir des relations sexuelles impulsives et
"spontanées" est aussi une forme de combat, car elles nous
poussent progressivement vers des personnes qui émettent une
image à l'oposé de ce qu'on est, ce qui peut devenir une
sorte de tolérence. Rien n'empêche plus alors qu'un jour
on ne soit pas amené(e) par la force des choses à
accepter une relation sexuelle avec n'importe qui pour de l'argent, si
on nous en proposait, même occasionnellement. Si on imagine la
liberté sexuelle idéale, celle qui s'opposerait à
la logique commerciale subordonnant les rapports et les corps humains
à l'argent, elle combatterait la perversion, car cette
dernière mène à la soumission des corps. On doit
alors accepter la masturbation comme faisant partie de notre culture
sexuelle, comme un moyen de défoulement et un exutoire à
nos
fantasmes les plus pervers. Partant du principe qu'un fantasme qui est
vécu n'en est plus un, vivre ses fantasmes pervers c'est comme
si on décidait de faire une bêtise uniquement pour enlever
le stress provoqué par la peur de commettre cette bêtise.
Ce genre de comportement se développe dans l'enfance et
conditionne donc ultérieurement notre comportement sexuel. Pour
combattre, il faut être engagé(e) et chercher le soutien
d'autres gens qui sont prêtes à s'engager à vos
côtés. Choisissez vos relations en fonction de
l'engagement que la personne face à vous est prête
à faire, de ses qualités personnelles et apprenez
à maîtriser vos peurs ! Car ce
sont toujours elles, sournoises et invisibles, qui nous empêchent
d'aller l'un vers l'autre.
décembre
2004
D.M.